La nomination de Lili Hinstin à la tête du Festival de Locarno, en août de l’année passée, a naturellement suscité quelques craintes à résonances protectionnistes. La directrice du festival de Belfort était une inconnue dans les milieux du cinéma suisse, qui pressentaient des personnalités bien de chez nous pour diriger la plus grande manifestation culturelle helvétique. La Française saurait-elle saisir les complexités du fédéralisme? Choierait-elle les films du terroir comme ils le méritent? Cette longue femme brune posant un regard étonné sur les choses aurait-elle la poigne pour apprivoiser le vieux mastodonte tessinois?

A en croire les bruits de couloir, il y a eu quelques grincements avant que le vénérable festival, 72 éditions, et sa nouvelle directrice artistique ne s’adaptent l’un à l’autre. Elle aurait, semble-t-il, ignoré certains distributeurs locaux. Elle a fait trembler la branche en annonçant que les films suisses ne jouiraient pas d’un statut d’exception: seuls les meilleurs seraient montrés. En fin de compte, tout le monde est soulagé, et même satisfait. Le premier festival de Lili Hinstin, cinéphile pointue, fine programmatrice et excellente présentatrice, est réussi.

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Depuis quelques années, les films de la Piazza Grande tendaient à la guimauve, aux feel good movies et aux comédies familiales nunuches. La directrice artistique est revenue à un cinéma plus exigeant, sans être hermétique pour autant. Elle a frappé un grand coup avec la première suisse de Once Upon a Time in… Hollywood, qui a fait le trop-plein de spectateurs sous les étoiles. Elle a révolutionné la deuxième partie des soirées en plein air, rebaptisées Crazy Midnight. Des comédies féministes trash, un polar de Bong Joon-ho ou un film fantastique italien ont fait la joie des couche-tard à l’heure du crime.

Parmi les 17 films du Concorso internazionale, aucun n’était indigne, certains étaient excellents comme Bergmal (Islande), Vitalina Varela (Portugal) ou Yokogao (Japon). Quant à la Suisse qu’il faut chérir, elle a eu droit à sa part de polenta. Basil Da Cunha a montré O fim do mundo en concours, Samir a triomphé avec Baghdad in my Shadow, Natascha Beller (Die fruchtbaren Jahre sind vorbei) et Klaudia Reynicke (Love Me Tender) ont exprimé leur niaque féminine, tandis que les jeunes générations pouvaient voir leur premier Godard et découvrir les œuvres essentielles de Fredi M. Murer.

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