Historiquement, la gestion de fortune a toujours représenté le terrain de prédilection des banques suisses. Fin du secret bancaire, chute de Credit Suisse... Qu'en est-il aujourd'hui? Réponses avec des experts:

La démocratisation des intelligences artificielles comme ChatGPT apporte un nouvel éclairage – et de l’enthousiasme – sur les possibilités offertes par l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans la gestion de patrimoine. L’intégration de la technologie et l’exploitation des données doivent servir les clients, comme les conseillers, pour une personnalisation à grande échelle des services de conseil, tout en maîtrisant les coûts.

L’IA ouvre de nouvelles perspectives

La capacité des outils à se nourrir de multiples sources de données, structurées ou non, permet d’affiner la qualification d’un client sur de nouvelles dimensions, telles que le profil psychologique ou bien la personnalité. L’outil intègre ensuite ces données pour personnaliser le service délivré, au travers notamment de l’adaptation du style de rédaction et de l’organisation des messages clés dans les communications faites au client.

Ces technologies autonomes peuvent également contribuer au bon maintien de la relation client. De nouveaux chatbots supportés par l’IA sont aujourd’hui en capacité de répondre aux questions des clients, notamment sur la base d’informations statiques comme les données de compte ou les revues de marché.

En plus de mener à l’hyperpersonnalisation, l’intelligence artificielle peut finalement se mettre au service des conseillers. L’automatisation de certaines tâches, comme la rédaction d’analyses financières ou la construction d’un reporting, permet un gain de productivité notable ainsi qu’une optimisation du temps commercial.

Au fur et à mesure que les applications utilisant ces technologies entrent dans notre quotidien, les établissements financiers vont devoir apprendre à les apprivoiser et à les utiliser pour apporter plus de valeur dans le service et le conseil au client.

Une révolution encore limitée

La perspective d’utiliser à court terme une intelligence artificielle pour gérer de manière autonome la relation, le conseil et les investissements d’un client est vaine. Plusieurs caractéristiques, comme la récence des informations sur lesquelles le modèle est entraîné, l’absence d’accès à des données en temps réel (données financières et macroéconomiques) limitent encore l’utilisation des cas d’usage, de telle sorte qu’il est encore impossible de demander à ChatGPT d’optimiser un portefeuille de manière totalement autonome.

Au stade actuel de maturité de ces technologies, le bénéfice consiste plus à exécuter de manière efficace et efficiente une demande formulée par un conseiller ou un client, pour autant que la demande soit formulée de manière exacte et le contexte bien précisé.

A l’avenir, la combinaison d’outils de langage naturels avec d’autres modèles d’intelligence artificielle tels que l’analyse financière quantitative ou l’analyse des comportements des investisseurs, ainsi que l’utilisation de sources de données statiques ou non telles que les données de marché en temps réel, permettra d’apporter un conseil de manière beaucoup plus autonome. Le modèle devra être capable de déclencher des actions, les spécialistes étant là pour superviser le modèle, le contrôler, l’affiner, plutôt que lui dire ce qu’il doit exécuter.

Une évolution de l’offre

Les transformations évoquées pourraient conduire à une segmentation encore plus forte de l’offre. Si le niveau de sophistication et les objectifs de l’investisseur resteront centraux, nous devrions assister à l’émergence de nouveaux modèles relationnels:

  1. Un modèle tout digital, attractif en termes de frais, exploitant au maximum les leviers technologiques y compris dans les interactions clients, avec des conseillers non dédiés accessibles uniquement sur demande.
  2. Un modèle omnicanal libre: le client interagit de manière libre au gré de ses préférences et contraintes personnelles, avec son conseiller et le cas échéant des spécialistes, ses applications, un centre de relation client… Du fait de la grande flexibilité offerte, la tarification serait plus élevée.
  3. Un modèle à la carte: le client choisit ses services et canaux d’interaction à la carte pour composer son propre modèle. La tarification serait structurée autour d’une offre de base avec des options payantes en complément.
  4. Un modèle à l’usage: le client ne choisit pas son modèle au moment de la souscription mais accède à une base de services de manière libre – par exemple application mobile pour gérer son portefeuille, revue de portefeuille semi-annuelle avec son conseiller – et paie l’accès à d’autres services – par exemple, sollicitation d’un spécialiste sur une classe d’actifs, reporting personnalisé.

Ces transformations requièrent des investissements et du temps. Il sera intéressant d’observer le rythme auquel elles seront adoptées par les établissements, puis traduites en offres et services concrets pour les investisseurs.

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