Alors que la question d'une autorité parentale conjointe de principe fait l'objet de débats aux Chambres fédérales, suite au dépôt d'une motion en ce sens au Conseil national, et qu'un rapport du Conseil fédéral portant sur une éventuelle modification de la loi est attendu, l'autorité parentale conjointe (APC) constituait, d'ores et déjà, une innovation majeure du nouveau droit du divorce, entré en vigueur en janvier 2000.
Dans le régime actuel de la loi, l'attribution de l'autorité parentale et de la garde de l'enfant à l'un des parents est la règle. Le maintien en commun de l'autorité parentale est l'exception, soumise à des conditions.
Une autorité parentale conjointe ne peut être ordonnée contre la volonté d'un des parents. Il suffit qu'un des parents ne soit pas d'accord pour que le partage de l'autorité parentale ne soit plus rendu possible.
L'exigence d'un accord parental formel laissant la possibilité, au moment de la séparation, à un refus de tout partage de la responsabilité parentale par un parent réfractaire, pose la question de savoir si cette possibilité ouverte par la loi est conforme à la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant ou si elle n'est pas le prélude à un désinvestissement parental.
A Genève, l'évaluation sociale de la situation de la famille et de l'enfant est confiée systématiquement par le Tribunal de première instance au Service de protection des mineurs (SPMi), pour lui au secteur des évaluations sociales (ES).
Source d'information professionnelle, le rapport qui en résulte évalue la conformité des accords parentaux avec l'intérêt de l'enfant et conclut à un préavis. C'est notamment sur ce rapport que se fonde le Tribunal de première instance pour déterminer l'intérêt bien compris de l'enfant et fixer l'autorité parentale sur celui-ci, ainsi que ses relations personnelles avec le parent non gardien.
Confrontée par sa pratique depuis l'entrée en vigueur du nouveau droit, à toutes les particularités des cas d'espèce, l'équipe des ES formée de quinze collaborateurs sociaux réunissant de solides compétences professionnelles dans le champ de l'action socio-éducative, a développé, sous la conduite d'experts de l'enfance, de la famille et/ou du droit, une réflexion sur l'autorité parentale conjointe et une analyse de sa pratique d'évaluation. Pour l'année statistique écoulée (septembre 2005-août 2006), le secteur des évaluations sociales a traité 1721 évaluations dont 872 demandes en divorce parmi lesquelles 416 en accord complet. Selon nos données, 410 demandes pour le maintien de l'accord parental conjoint ont été effectuées.
La question de l'autorité parentale, qui est directement remise en cause par le divorce, fait souvent office de paratonnerre, suivant l'intensité du conflit conjugal.
Or, il est aujourd'hui généralement admis que le maintien de l'autorité parentale conjointe au-delà du divorce, en reconnaissant la place et le rôle de chacun des parents sur le terrain de la coparentalité, est une réponse équilibrée afin de préserver le bien- être de l'enfant et de promouvoir une parentalité indépendante du statut juridique des parents.
Par conséquent, nous sommes souvent amenés à devoir clarifier avec les parents les notions de garde et d'autorité parentale.
Dans un souci de prévention touchant à l'intérêt de l'enfant, nous sommes aussi amenés à rappeler au parent se sachant privé de l'autorité parentale la permanence de sa parentalité, quand bien même il menace déjà l'enfant de son désinvestissement.
Dans cette optique, et pour éviter que toute relation conflictuelle ne vienne signer l'arrêt d'une autorité parentale conjointe, une analyse du conflit parental est nécessaire.
Pour ce faire, nous examinons le degré de réalisation de toute une série de critères d'évaluation touchant à la fonction parentale et aux besoins spécifiques de l'enfant. Nous cherchons à déterminer si le projet parental satisfait à des conditions minimales et si un désaccord est somme toute gérable et intégrable, autorisant une coparentalité fonctionnelle, c'est-à-dire une capacité à réaliser des compromis nécessaires pour organiser la vie de l'enfant et sauvegarder son bien-être.
En définitive, un des axes principaux de notre intervention consiste à évaluer dans quelle mesure les parents confondent concrètement conjugalité et coparentalité, dans leur vie quotidienne et dans leur relation avec l'enfant.
Il est bien entendu que l'autorité parentale conjointe, de principe ou d'exception, n'est ni un antidote contre le conflit conjugal, ni une solution idéale pour tous.
Cela étant, une autorité parentale conjointe de principe comporte de nombreux avantages. Elle permet, dans de nombreux cas, d'éviter que la coparentalité ne soit irrémédiablement brisée. Elle neutralise une éventuelle absence d'accord formel entre les parents et encourage leur accord de fait dans le champ de la parentalité, mettant l'accent sur leurs qualités parentales, sans faire référence à leurs problématiques conjugales. Elle promeut ainsi la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.
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