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La littérature romande en vase clos

OPINION. Le Salon du livre de Genève est l’arbre qui cache le peu d’ambition de la littérature romande, estime l’écrivain né au Cameroun Timba Bema. Genève devrait avoir l’ambition d’être le deuxième centre littéraire de la littérature francophone

Salon du livre et de la presse. Genève, avril 2017. — © Martial Trezzini/KEYSTONE
Salon du livre et de la presse. Genève, avril 2017. — © Martial Trezzini/KEYSTONE

Du 25 au 29 avril se tient le Salon du livre de Genève. En l’espace de cinq jours, la capitale diplomatique de la Suisse deviendra la capitale littéraire de l’espace francophone. Les invités viendront du monde entier, ils passeront un agréable moment entre débats et signatures, puis ils s’en iront. Restera certainement dans leur esprit le souvenir d’une manifestation réussie. Pourtant, un événement comme le Salon du livre est l’arbre qui cache le peu d’ambition de la littérature romande.

L’édition romande est protectionniste

L’édition romande est protectionniste. Il est vrai que le contexte politique actuel est propice aux idées protectionnistes. Par ailleurs, la modestie, la prudence, la réserve, des valeurs profondément helvétiques, expliqueraient également ce repli sur soi. De même, on pourrait invoquer la crainte, certes légitime, d’être envahi par la France voisine dont l’appétence pour la littérature n’est plus à démontrer. En raison de la taille exiguë de son marché, ce type de phénomène est inévitable.

Toutefois, la solution pour conserver une littérature romande n’est pas de la protéger. Au contraire, cette attitude pousse les écrivains ayant quelques ambitions à s’expatrier du côté de la France. Il est quand même étonnant que, pour un pays qui tire justement une partie substantielle de sa richesse des exportations, cette évidence ne soit pas encore suffisamment ancrée dans le monde littéraire.

Genève pourrait devenir le deuxième centre littéraire de l’espace francophone, avec cet avantage que la Suisse n’a jamais été une puissance colonisatrice

C’est justement parce que la littérature romande fonctionne encore largement en vase clos qu’elle est peu ouverte sur l’espace francophone. Il n’y a presque pas d’auteurs africains publiés en Suisse. Or, l’avenir de la langue française se joue précisément en Afrique. Il serait vain de croire que des millions de personnes apprendront le français comme ils se ruent sur l’anglais pour le commerce, les études, la recherche, le tourisme, etc.

Le réalisme voudrait donc que dès à présent l’édition romande tisse des liens forts avec le monde littéraire africain, en développant par exemple de nouvelles approches pour mettre les écrits à la disposition des lecteurs. Bien entendu, le marché du livre tel qu’il est organisé en Suisse ne pourra pas être répliqué en Afrique. Par contre, des formules pensées sur la base des attentes, habitudes et pouvoirs d’achat des Africains sont envisageables.

Capitale francophone

De la même manière que Genève est devenue une capitale de la diplomatie mondiale, elle pourrait devenir le deuxième centre littéraire de l’espace francophone, avec cet avantage indéniable que la Suisse n’a jamais été une puissance colonisatrice, et qu’elle n’a pas d’ambition hégémonique. Mais cela ne sera possible que si la littérature romande accepte de s’ouvrir sur l’espace francophone. Voilà un beau défi que pourrait se lancer ce pays qui tient à préserver une bonne image sur le plan international.