Patrick Fort offre un regard décalé sur la guerre. Il propose une double lecture du conflit: celle de ses dépêches de l'AFP, selon une déclinaison rigoureuse et formatée de l'information. Et celle, plus subjective, de la vie quotidienne de celui qui risque sa vie pour informer les autres.
Il était en Irak avec une arme, prompt à la dégainer en toutes circonstances: son humour, parfois répétitif, souvent noir, mais toujours percutant.
«Lors d'un attentat antichiite, l'un de nos témoins nous raconte qu'il était avec des amis dont il ne reste plus que les têtes. L'après-midi, le chef compare notre copie avec celle de l'Associated Press, la concurrence, et découvre qu'elle a un autre témoin, lui aussi avec des amis dont il n'a retrouvé que les corps sans tête. Il a alors suggéré: de mettre les témoins en contact.»
Un humour pratiqué à haute dose pour résister mentalement à la routine de l'horreur qui fait compiler des dizaines et des dizaines d'avis de décès chaque jour, dans le bulletin nécrologique d'un peuple qui s'assassine.
Un humour qui traduit aussi la difficulté de rendre compte de la situation en Irak: «Officier supérieur US: - Le problème, ce n'est pas chiites, sunnites ou kurdes. Peu importe. Il faut que les gens respectent la loi. C'est aussi simple que ça. Nous ferons ce qu'il faut pour vaincre.
Traduction: - On a une putain de guerre civile et religieuse sur les bras. C'est super-compliqué. On fait ce qu'on peut.»
Patrick Fort, «Bagdad, Journal d'un reporter», Editions Des idées et des hommes.