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Le livre politique de la semaine: L'OTAN attaque? La nouvelle donne stratégique

A vingt jours de la date «anniversaire» de l'intervention armée de l

A vingt jours de la date «anniversaire» de l'intervention armée de l'Alliance atlantique contre la Yougoslavie, le livre de Bernard Wicht est une contribution peu conventionnelle à la compréhension d'un conflit «postmoderne». Il n'en est que plus percutant. Pour l'auteur, collaborateur du Service historique de l'armée suisse, c'est une certitude: les menées serbes au Kosovo ont fourni à l'Occident, les Etats-Unis et leur bras armé l'OTAN, un prétexte d'intervention. Bernard Wicht sait que sa thèse ne répond pas aux canons de l'«humanitarisme», aussi prend-il garde de ne pas cautionner la purification ethnique, bien réelle, de la Serbie contre le peuple kosovar.

La décision de faire la guerre à la Yougoslavie a été prise par les militaires et non par les politiques, dit-il d'emblée. Cette assertion renvoie à la formation de l'Etat moderne, à ce qui l'a permise, «le nouvel art de la guerre». C'est par la guerre que l'Occident a acquis sa suprématie sur le reste du monde, c'est par elle qu'il entend la conserver.

Depuis la chute du Mur de Berlin, il en allait de la survie de l'OTAN,et de l'empire américain. L'Alliance se devait de trouver, en la légitimant, une nouvelle raison d'être. La légitimité, ce sera les droits de l'homme. Ainsi est-on passé du «paradigme idéologique» qui séparait les blocs au «paradigme culturel», celui du discours sur les valeurs. L'Occident, désormais, fera la guerre pour imposer la paix et non pour s'emparer de territoires, soumettre des peuples et piller leurs richesses, comme on le faisait dans les anciens codes de la guerre. L'OTAN a réussi sa «mutation», relève l'auteur.

Bernard Wicht met en garde: la souveraineté, c'est la démocratie. Or, constate-t-il, l'Occident glisse vers l'oligarchie, où le complexe militaro-industriel (CMI) américain tient une bonne place. Les enjeux économiques sont énormes. Les Etats-Unis ont employé le bombardier B-2A contre la Yougoslavie, dont le coût peut atteindre 2,4 milliards de dollars pièce. «Pour le CMI, les cycles de guerre sont d'ailleurs le meilleur moyen d'obtenir des crédits, d'accroître sa production et de consolider ses structures», écrit l'auteur.

Machine de relégitimation de l'OTAN, la guerre contre la République fédérale de Yougoslavie fut aussi l'occasion d'affirmer la suprématie de l'arme aérienne sur toutes les autres. Bernard Wicht développe ce point dans un chapitre consacré à ce qu'il appelle la «révolution dans les affaires militaires» (RMA), soit «la destruction des objectifs par des frappes précises à longue distance au moyen de munitions intelligentes». Cette conception a eu ses ratés contre la RFY, la DCA serbe a résisté. Mais l'essentiel n'est pas là. Il ne s'agissait pas pour les Etats-Unis de «gagner» la guerre au sens classique du terme, mais de gagner le pari du tout aérien. C'est fait puisque la RFY a rapatrié ses armes du Kosovo sous peine de voir son économie mise en pièces.

A quel prix? Au prix, note l'auteur, de la probable recomposition de blocs, d'une plus grande instabilité dans le monde (recherchée car propice aux rappels à l'ordre) et d'une humiliation politique et diplomatique de la Russie. Moscou lave l'affront en Tchétchénie.

L'OTAN attaque? La nouvelle donne stratégique

Bernard Wicht, postface de Jean-Jacques Langendorf, Georg, octobre 1999