C'est à une autre sorte de réflexion, et sur un ton polémique cette fois, que le sociologue Michael Mann se livre dans L'Empire incohérent, où il s'en prend vertement à l'usage que l'administration Bush Jr. fait de la puissance des Etats-Unis. Au cœur de la démonstration: les Etats-Unis sont puissants, très puissants certes, mais leur ambition impériale, aujourd'hui, se situe bien au-delà de leurs moyens réels. Ainsi de la puissance militaire: elle est visiblement écrasante, au plan de la technologie des armements, de la puissance nucléaire, des moyens du renseignement. Mais l'auteur montre aussi que les effectifs américains, purement nationaux, sont fort en deçà de leurs moyens techniques. Et que l'arme du riche (les USA) risque de se heurter aujourd'hui à l'arme du pauvre: bactériologique, chimique. Mais aussi aux moyens limités, mais combien efficaces de la guérilla: on le voit en Palestine. Les limites du pouvoir américain, Mann les voit encore dans une économie certes dynamique, mais à la dette abyssale. Dans une foi dans le libre-échange incohérent: sans pitié pour les uns, indulgent pour les autres. Dans un système d'alliance où les alliés s'avèrent de plus en plus réticents à suivre les injonctions du Big Brother.
Image d'isolement donc, d'incohérence aussi, qui ne saurait, estime l'auteur, être restaurée que par un leadership plus humble et plus réaliste. D'autant plus efficace qu'il jouera le jeu multilatéral.