Fabrice Guillot, le chroniqueur masqué du «Temps»

Fabrice Guillot est le pseudonyme de notre chroniqueur masqué. Il porte un regard sans concession sur la politique vaudoise dans la perspective d’élections qui s’annoncent disputées.

La campagne des élections vaudoises peut commencer. Après des mois de tergiversations, d’annonces d’alliances qui ne sont pas concrétisées à droite et de règlement de comptes chez les socialistes, le choix proposé aux Vaudois est finalement simple. Qui de Jacques Nicolet ou de Cesla Amarelle remplacera Anne-Catherine Lyon? Et question subsidiaire pour plus tard: qui reprendra le dossier de l’école?

Les socialistes et le PLR ont confirmé que l’heure était au verrouillage du dispositif électoral: quatre candidats de chaque côté pour une seule place à repourvoir, sachant que les sortants n’ont pas grand-chose à craindre, au terme d’une législature caractérisée par un fort consensus entre les deux partis qui comptent six sièges sur sept au gouvernement.

Un gouvernement de coalition très centriste

En acceptant l’an dernier le volet cantonal de la RIE3 avec un score soviétique, les Vaudois ont confirmé qu’ils faisaient confiance à ce gouvernement de coalition, très centriste. Malgré les discours enflammés de certains députés PLR ou UDC pour amuser la galerie, la majorité de centre-gauche n’a pas vidé les caisses. Il sera donc très difficile pour la droite de convaincre les électeurs qu’un choix fondamental de société les attend. De fait, à part réinstaller Pascal Broulis dans son fauteuil de président, on voit mal la finalité de l’alliance PLR-UDC.

En 2012, cette stratégie avait échoué. Pourquoi réussirait-elle cette fois, alors que Jacques Nicolet défend des positions rétrogrades sur plusieurs sujets sociétaux? Les vagues suscitées l’an dernier par la publication de la bible du parfait UDC sous le titre «la voie du bon sens» en attestent, comme les propos du secrétaire général du parti qui avait expliqué que sa formation avait mué, en ayant tourné la page de son héritage paysan.

Les sujets qui fâchent

On peine donc à comprendre pourquoi le PLR a cédé aussi facilement à l’UDC qui n’a pas voulu d’Isabelle Chevalley, par crainte de son potentiel électoral plus fort que celui de Jacques Nicolet. «Agacé» selon ses termes, le président cantonal du PLR manie désormais la langue de bois et tente de se rassurer en expliquant que les deux partis sont le plus souvent d’accord entre eux.

Il fait mine d’oublier les sujets qui fâchent. L’initiative de l’UDC «contre l’intégrisme religieux» dont la récolte de signatures doit commencer a déjà été fortement critiquée non seulement à gauche et par les églises, mais aussi par plusieurs PLR. L’asile est un autre sujet de tension. Sur les réseaux sociaux, des membres de l’UDC critiquent vertement la politique cantonale en matière de renvoi, jugée trop laxiste, pourtant en mains de Philippe Leuba. Les mêmes se réjouissent ouvertement de la désignation de Cesla Amarelle, qu’ils s’apprêtent à traîner dans la boue, en stigmatisant quelques-uns de ses propos favorables au droit d’asile.

Ressusciter la mythique «Entente vaudoise»

La campagne qui s’ouvre sera sans doute assez musclée. Mais plus l’UDC va dériver à droite, plus elle mettra dans l’embarras son allié. Incapable de sortir d’une logique électorale dépassée, le PLR croit ressusciter la mythique «entente vaudoise» quand il gouvernait sans partage. Sauf que les temps ont changé. Jacques Nicolet, bien qu’issu du monde agricole, n’est pas Jean-Claude Mermoud. L’ancien PAI n’existe plus et, même en terre vaudoise, il a été remplacé par une UDC alignée sur les positions du parti suisse.

Avec les Verts libéraux, le PLR avait la possibilité d’élargir son assiette électorale auprès d’une population urbaine sensible aux préoccupations environnementales. Il a préféré en rester à ses vieux schémas, en expliquant, piètre justification, que c’était le choix de la raison et non celui du cœur. De fait, le PLR se prépare à rester minoritaire au gouvernement. Ce ne sont pas les déclarations de plusieurs femmes PLR qui ne cachent pas leur estime pour Cesla Amarelle qui vont le rassurer. Mais peut-être faut-il une nouvelle déconvenue au PLR pour qu’il renouvelle enfin sa stratégie.

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