En 1992, un citoyen déterminé a évité que la Suisse n’entre dans l’antichambre à l’adhésion qu’était devenu l’EEE dans la bouche des conseillers fédéraux d’alors. Le peuple suisse a écouté cet homme et permis à notre pays d’entamer une «success story» hors du commun alors que l’UE devait s’enliser peu à peu pour en arriver à l’érosion des classes moyennes et la paupérisation actuelles.

Je pourrais me contenter de comparer la situation économique des deux entités et relever qu’à un taux de TVA plus ou moins situé autour de 20% dans l’UE, la Suisse répond par un taux de 8%, que le chômage qui explose un peu partout dans l’UE reste stable en Suisse, à un niveau très bas se situant autour d’une moyenne de 3%. Je pourrais comparer le PIB de la Suisse de 665 milliards (19e rang mondial et 15e si l’on compte l’UE comme une seule entité) à celui de la France, qui, malgré une population huit fois plus nombreuse, n’est que quatre fois supérieur au nôtre.

Cependant, ce ne sont pas les effets qui m’intéressent ici, mais les causes du petit miracle qu’est cette Suisse souveraine et indépendante qui réussit si bien là où d’autres échouent.

Jetons pour cela un œil sur les différences structurelles entre le David suisse et le Goliath UE.

Alors qu’en Suisse, le citoyen est défini comme le souverain et porte l’Etat, le citoyen de l’UE est condamné à subir l’Etat. C’est une différence fondamentale au niveau du sens des responsabilités et du devoir. Le citoyen suisse s’identifie aux institutions qui définissent sa «Willensnation», terme spécifiant que le petit pays hétéroclite qu’est l’Helvétie ne forme une nation qu’en raison d’une volonté commune qui s’est cristallisée autour d’une constitution et d’un fédéralisme vivifiant.

Prenons la fiscalité suisse, tant décriée par les élites de l’UE, qui n’ont d’autres réponses à leur gestion calamiteuse des deniers publics qu’une hausse constante des impôts et la mort lente du désir d’entreprendre. En Suisse, le citoyen déclare son revenu. Il est un partenaire de l’Etat et non pas un larbin corvéable à souhait, subissant la suspicion et les opérations policières des autorités fiscales.

Prenons la pratique de la démocratie directe, une démocratie participative recherchant le consensus et permettant d’éviter d’incessantes grèves et des conflits sociaux. Le citoyen ne délègue le pouvoir que là où c’est nécessaire et préfère déterminer lui-même son destin. Il a un droit de veto régulier à travers le référendum et un pouvoir de proposition grâce au droit d’initiative.

Alors que, dans l’UE, le pouvoir est coopté et diffus, en Suisse, il est réparti de manière claire et équitable. Le système suisse tend à l’équilibre, celui de l’UE crée la confrontation.

Si nous comparons les deux systèmes à une entreprise, nous pourrions dire que la Suisse est une PME, et l’UE, un mastodonte industriel. Le paysage économiques respectifs reflètent cet état de fait:

Du côté Suisse, nous avons une ribambelle de PME de 50 à 300 employés, qui représentent 70% des postes de travail, hors les entreprises sous contrôle de l’Etat. Dans l’UE, on tend vers la centralisation et le gigantisme. Les entreprises suisses sont très souvent ultra-spécialisées et créent des produits à haute valeur ajoutée ainsi que des marques haut de gamme. L’UE, elle, peine, en raison de sa structure pesante et de sa lourdeur, à générer les mêmes flexibilité et capacité d’adaptation que le modèle libéral prévalant chez son petit voisin.

Si la Suisse devait adhérer à l’EEE, antichambre de l’UE, elle devrait reprendre automatiquement l’intégralité du droit européen. Il est vrai qu’elle en reprend déjà une partie, mais elle le fait librement, en fonction de ses intérêts propres.

Et même si, en raison de la faiblesse et de la servilité du gouvernement suisse, certains accords ont été très mal négociés (Schengen, transports) et que la libre circulation a amené une pression accrue sur les salaires et les loyers en créant surtout des emplois pour les frontaliers et immigrés dans le secteur public et le social, le bilatéralisme reste supérieur à une adhésion à un système où la Suisse perdrait sa flexibilité et deviendrait la vache à lait de cette Union européenne qui fait tout sauf la force. La Suisse doit continuer à faire confiance à son tissu de PME, à l’excellence de ses forces productrices, à la solidité de ses institutions et au grand sens des responsabilités de ses citoyens. Avec ce bagage, elle peut s’engager sans crainte dans des relations économiques multilatérales avec le monde entier et ainsi mieux équilibrer son rapport avec l’extérieur, qui est, pour le moment, trop centré sur l’UE, un partenaire de moins en moins fiable et rendu de plus en plus jaloux et agressif en raison de ses problèmes internes.

En Suisse, le citoyen est un partenaire

de l’Etat et non pas

un larbin corvéable

à souhait, subissant la suspicion et les opérations policières des autorités fiscales

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