La manne de Macao
Commander, en portugais, se dit «mandar». Celui qui commande est un «mandarim». C’est ainsi que, confinés sur leurs îlots infestés de moustiques par la sévérité des bureaucrates impériaux, les Portugais ont apporté aux langues européennes ce mot qui signifie pouvoir et puissance: mandarin.
Le Portugal a rendu Macao à la Chine en décembre 1999, sans y être obligé sinon par le courant de l’histoire qui venait de retirer Hongkong à la Grande-Bretagne. Il n’y a laissé que les casinos qu’il avait autorisés dès les années 1850, au plus bas de la dynastie des Qing, quand elle ne pouvait plus résister aux assauts des puissances occidentales. Son monopole sur le Fan-Tan, le plus populaire des jeux d’argent en Chine, a longtemps bouché les trous de l’Etat. En 1962, quand il a livré le trésor à la Sociedad de Turisme e Diversões de Macau (STDM), dominé par la haute figure de Stanley Ho, c’était contre une rente fiscale aux dimensions pétrolières. Après 1974, Stanley Ho a payé son écot à la démocratie portugaise – le socialiste Mario Soares s’en était fait un ami. En 1988, il a créé la Fondação Oriente en contrepartie d’une prolongation de la rente des jeux jusqu’en 2001. Bien dotée, cette fondation tente de maintenir la culture portugaise à Macao. A Lisbonne, elle gère un Musée de l’Orient aussi modeste que l’imprégnation culturelle réciproque du Portugal et de la Chine. Une exposition temporaire sur l’opéra chinois est le support d’un grand portrait de Mao, réformateur comme on sait de cet art dont il fait le haut lieu de sa Révolution culturelle. Les Portugais n’ont jamais manqué d’égards envers l’empereur.
Les ambitions électriques de Pékin
Antonio Costa, le premier ministre socialiste à la tête d’une coalition de gauche et d’extrême gauche, n’a pas d’objection à laisser les Chinois prendre le contrôle financier de la production d’électricité. «Laissons le marché fonctionner», a-t-il dit en mai tout en marquant son désir que l’entreprise reste cotée à la bourse de Lisbonne et conserve son identité. Officieusement, d’autres acheteurs sont préférés pour Energias de Portugal présente en Espagne, au Brésil et aux Etats-Unis, qui compte 11 millions de clients sur le marché de l’électricité et du gaz naturel, dispose d’un réseau de 330 000 km de lignes électriques et se développe dans les renouvelables. A ce jour, l’offre chinoise de 9 milliards de dollars est jugée insuffisante. Mais les mandarins savent attendre. Ils n’auront pas de gêne à surenchérir dès lors que Xi l’empereur leur a donné mission de contrôler le réseau mondial de l’électricité. Plus de 450 milliards de dollars ont été consacrés depuis 2013 au projet de connecter une centaine de pays par des câbles électriques à très haute tension, dernier cri de la technologie, économes et efficaces sur de longues distances. Le Portugal est sur la route chinoise comme Macao était sur la sienne quand il conquérait le monde. Depuis le début cependant, les mandarins, ceux qui commandent, sont du côté chinois.