Le «mariage pour tous» entre en vigueur: quels changements financiers?
Opinion
OPINION. Le 1er juillet 2022 marque le jour de l’entrée en force de la loi ouvrant le mariage aux personnes du même sexe. Explications par Josef Alkatout, avocat auprès de Borel & Barbey

Avec passablement de retard comparé aux autres pays occidentaux, le peuple suisse a approuvé en septembre passé le «mariage pour tous» à une très large majorité. Le Conseil fédéral ayant fixé l’entrée en vigueur de la modification législative au 1er juillet 2022, différentes nouveautés sont désormais en force.
Le changement le plus important consiste évidemment en la possibilité pour les couples du même sexe de se marier en Suisse – à tout le moins civilement. A l’instar de leurs concitoyens hétérosexuels, les époux gays ou lesbiens verront ainsi automatiquement appliquées toute une série de lois après la célébration de leur mariage qui ont notamment un impact financier.
Parmi ces dispositions légales figure, à titre d’exemple, l’obligation de remplir une déclaration fiscale commune. Le passage au barème des «conjoints mariés» a la plupart du temps pour conséquence une augmentation d’impôts non négligeable. L’inconvénient fiscal se retourne toutefois en fin de vie: l’héritage perçu d’un époux est en principe franc d’impôts tandis que la succession d’un concubin est taxée comme celle d’un tiers.
Au niveau des assurances sociales, les conséquences sont à apprécier au cas par cas: si un des conjoints n’exerce pas d’activité lucrative, il pourra être exempté des cotisations au premier pilier. A l’âge de la retraite, les époux ne reçoivent toutefois qu’une rente et demie au maximum (contrairement à un couple non marié qui a droit à deux rentes), et ceci même si les deux ont travaillé (et contribué) tout au long de leur carrière.
En cas de divorce, les avoirs de prévoyance professionnelle accumulés pendant le mariage sont partagés et une contribution d’entretien en faveur de l’époux économiquement plus faible pourrait être due. Ces obligations – qui sont réservées aux personnes mariées – sont indépendantes de la présence (ou non) d’enfants communs.
L’entrée en vigueur du «mariage pour tous» fait en même temps disparaître la possibilité de conclure de nouveaux partenariats enregistrés. Les personnes du même sexe ayant déjà conclu un tel partenariat dans le passé peuvent soit maintenir leur statut, soit le convertir en un mariage par simple déclaration auprès de l’état civil. Ceci s’applique également aux époux s’étant mariés à l’étranger car en Suisse leur union a jusqu’alors seulement été reconnue en tant que partenariat enregistré.
Les partenaires optant pour la mise à niveau se verront également accorder certains droits auxquels l’institution du partenariat enregistré ne donne pas accès: il sera ainsi permis aux époux homosexuels d’adopter conjointement un enfant et d’utiliser les mêmes techniques de procréation médicalement assistée que les hétérosexuels (essentiellement le don non anonyme de sperme). Pour le surplus, un époux de nationalité étrangère peut profiter de la procédure facilitée de naturalisation si son conjoint est Suisse. S’agissant des nouveaux devoirs, les époux mariés ne pourront plus dissoudre leur union aussi facilement que deux partenaires enregistrés en cas de séparation; ils devront passer par la procédure ordinaire de divorce, qui s’avère souvent longue et coûteuse.
Dans ce contexte, il sied surtout de garder en tête le traitement juridique du patrimoine du couple en cas de divorce: alors que les biens acquis durant le partenariat enregistré restent séparés à la fin de la relation, les biens générés par des époux pendant le mariage sont acquis en commun – et devront être partagés par moitié. Ce changement de régime matrimonial s’applique automatiquement et à compter de la date de conversion d’un partenariat enregistré en un mariage – sauf en cas de signature d’un contrat de mariage ou d’une convention sur les biens devant un notaire. Si un tel contrat a déjà été signé dans le passé, il reste valable pour la période suivant la conversion. Enfin, s’agissant des mariages entre deux personnes de sexe différent, ceux-ci ne sont aucunement touchés par l’introduction du «mariage pour tous» – l’extension des droits des gays et lesbiennes n’ayant pas de répercussions sur ceux de leurs concitoyens hétérosexuels.
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