Marine Le Pen, la haine en pleine lumière
Lors du face-à-face avec Emmanuel Macron, Marine Le Pen a montré son vrai visage. Il représente un danger pour la démocratie. Notre éditorial

Le spectacle affligeant offert durant plus de deux heures d’invectives mercredi soir entre les deux candidats à la présidence française était pourtant nécessaire et fera date. Refuser le combat comme le fit Jacques Chirac en 2002 face à Jean-Marie Le Pen au nom d’un impératif moral – on n’offre pas une telle tribune à l’extrême droite – aurait été incompréhensible en 2017, tout simplement parce que le monde a changé. Partout, le populisme poursuit en effet sa progression et seule la confrontation des idées y fera barrage. De ce point de vue, l’exercice fut réussi.
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Car il y a bien eu un choc de deux représentations du monde. Marine Le Pen, qui s’était jusque-là montrée plutôt inspirée dans sa capacité à normaliser l’image de son parti et à faire corps avec les préoccupations de nombreux Français, est soudain réapparue sous un visage qui rappelle la réalité du danger: celui d’un discours de haine qui sape les fondements du débat démocratique. Son objectif était de déstabiliser l’adversaire, le pousser à l’erreur, le salir, l’humilier.
Emmanuel Macron a non seulement évité le piège, il est parvenu à jeter une lumière crue sur les délires et la vacuité des propos de la candidate du Front national qui, perdant pied, est allée bien au-delà de ses outrances passées.
Attiser la haine
Les dérapages continus – mensonges, insinuations et accusations sans fondement à l’égard de son adversaire – de la candidate d’extrême droite ne sont pas qu’un sous-produit délétère d’une culture politique qui privilégie le spectacle et la fougue oratoire au débat raisonné. Ils témoignent de la détérioration des termes du débat politique en France et dans toute l’Europe. Ce devrait être un choc pour tout défenseur des démocraties libérales, ce «système» du vivre-ensemble qu’attaquent avec acharnement les populistes au nom d’une soi-disant défense du peuple face aux «élites».
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On pourrait croire la Suisse, le berceau de ce national-populisme inspiré par Christoph Blocher dont les idées et la communication ont fait école loin à la ronde, habituée à ce type de dérive. Il n’en est rien. Quand Marine Le Pen évoque cette «Europe à la schlague» devant laquelle se coucherait Emmanuel Macron, on n’est plus dans le simple rejet d’une construction politique européenne contre laquelle le tribun de l’UDC ou son collègue Oskar Freysinger, par exemple, se sont aussi illustrés par leur violence verbale.
La cheffe du Front national attise la haine entre les peuples, entre les populations, contre les étrangers, contre ses voisins. Elle sème la division non seulement en Europe mais dans son propre pays.
Face à un tel péril, celui qu’a si bien illustré ce face-à-face de mercredi soir, il est dès lors incompréhensible que des leaders politiques de gauche comme de droite refusent de se prononcer pour lui faire barrage. Il y a urgence.
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