Samedi matin, «les pompiers sont bien intervenus à La Roche Mabile pour un décès, confirme La Dépêche du Midi. Un monsieur Martin est mort mais ce n’est pas Martin Bouygues.» «Incroyable quiproquo», s’étonne RTS Info, qui a tout de même duré quarante-cinq minutes. Trois quarts d’heure pendant lesquels, samedi, on a cru que Martin Bouygues avait défunté. C’est l’Agence France-Presse qui a annoncé le décès, puis infirmé. «Preuve que l’affaire est d’importance, Emmanuel Hoog, le PDG de l’AFP, a rédigé lui-même un tweet pour s’excuser», indique Le Figaro:

Rocambolesque affaire… La faute à la viralité numérique? «Avec la montée en puissance d’Internet et l’avènement de l’information en continu, il est devenu compliqué, voire impossible» pour les médias francophones, de se passer des dépêches de l’AFP. Lorsque celle-ci fait donc paraître samedi une alerte à 14h28 – «Martin Bouygues est décédé samedi matin dans sa résidence de l’Orne» – «la nouvelle est instantanément relayée par la plupart des sites d’information. Même celui de TF1, propriété du grand industriel français, diffuse le faux scoop.» Et puis soudain:

En somme, relève encore Le Figaro, «lorsque l’AFP commet un faux pas, c’est l’ensemble du paysage médiatique qui trébuche»… et qui doit péniblement se relever. «Preuve de son influence accrue, favorisée par la multiplication des canaux de diffusion.» Pour son PDG, en tout cas, «cette histoire tombe en tout cas au plus mal. Même s’il n’a pas officialisé sa candidature, son nom circulait jusqu’à présent avec insistance pour la présidence de France Télévisions. Mais l’épisode «Bouygues» pourrait venir compliquer les choses.»

De son côté, Mediapart saute sur l’occasion pour donner à tous une petite leçon de déontologie:

Mais les raisons pour lesquelles cette fausse nouvelle s’est répandue – un «Martin» pour un autre – sont moins intéressantes que le «bug» lui-même. «Tombée en semaine, au milieu de la journée, l’annonce» de cette prétendue mort «aurait provoqué une déflagration en Bourse des cours de Bouygues et de sa filiale TF1, écrivent Les Echos. Une telle mésaventure a heureusement été évitée. Mais les dégâts collatéraux […] sont toutefois déjà tangibles.» Et les gags, eux, vraiment inévitables:

Le quotidien économique français a d’ailleurs cru bon de préciser, en toute fin de son article, que Les Echos présentent leurs excuses à leurs lecteurs, à Martin Bouygues et à sa famille pour avoir relayé une information erronée […]. Dès que cette information a été démentie, nous avons immédiatement publié un rectificatif sur notre site web.»

Reste que l’AFP subit en «de plein fouet le contrecoup de ce couac, en voyant remis en cause ses méthodes de travail et le fondement même de sa réputation: son exactitude», déplore Paris Match. Une enquête interne parviendra peut-être à élucider comment cela a pu se produire, malgré toutes les procédures de vérification en place à l’AFP. «Troublantes interrogations»…

Un précédent: Marcel Dassault

Le magazine en ligne Slate, lui, a choisi d’aborder la nouvelle – la fausse, donc – par un précédent historique. «Alors que plusieurs s’interrogent sur la santé» de l’AFP, «voire des médias en général, ou de notre civilisation faite de vitesse», il n’est pas «inutile de rappeler […] que les erreurs journalistiques ne datent pas d’Internet. Et qu’à la fin des années 80», Le Quotidien de Paris avait commis «l’erreur de consacrer une page au décès de Marcel Dassault, alors que l’industriel avait encore quelques semaines à vivre». Ecoutez le sketch de feu Pierre Desproges à ce sujet:

Autre exemple, vingt-quatre heures trop tôt, le 1er avril 2005, les médias occidentaux reprennent la dépêche de l’agence Itar-Tass du 1er avril annonçant la mort du pape. Le Vatican dément mais pas assez vite pour empêcher que la nouvelle ne fasse le tour du monde. Déjà.

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