Les scènes de destruction du musée de Mossoul ont fait le tour du monde depuis jeudi, sont filmées ou plutôt mises en scène. En quoi cet acharnement sur les trésors du passé peut-il donc bien servir la propagande de l’EI? La bêtise qui s’en dégage est un élément essentiel du message

Editorial
Les masses de l’EI n’abattront pas les symboles
Silence, on pulvérise! Des djihadistes armés de masses et de marteaux-piqueurs s’entêtent sur des bas-reliefs, frises et autres trésors des mondes assyrien et hittite, dans la poussière entre les colonnes des salles du musée de Mossoul. Ces scènes, qui ont fait le tour du monde depuis jeudi, sont filmées ou plutôt mises en scène. Avec un soin scrupuleux qui dénote l’intention évidente de choquer les esprits. Ces provocations relèvent de la propagande méthodique de l’Etat islamique (EI), mais pas de l’islam.
Avant de s’en prendre aux collections d’un musée totalement déserté par les visiteurs, les djihadistes qui se sont emparés en juin dernier de Mossoul, la grande ville du nord de l’Irak, bâtie sur le site de l’antique Ninive, s’étaient appliqués à ruiner le tombeau de Jonas (Yunus en arabe) et le sanctuaire de Seth, le troisième fils d’Adam et d’Eve, deux monuments vénérés par les populations locales, chrétiennes et musulmanes. Réduisant à néant des merveilles archéologiques au nom d’une idéologie malfaisante.
En quoi cet acharnement sur les trésors du passé peut-il donc bien servir la propagande de l’EI? La bêtise qui s’en dégage est un élément essentiel du message: la brutalité vaine des coups de masse est revendiquée et affichée comme la preuve d’une défiance ultime face aux valeurs d’un Occident fantasmé. Sur un autre plan, il s’agit d’exhiber une lecture étriquée et biaisée du Coran, à l’exclusion de toute autre interprétation spirituelle du texte révélé. Qu’on ne se trompe pas, les djihadistes n’entrent pas dans un débat théologique, ils se contentent d’affirmer leur pouvoir. D’ailleurs, l’EI continue de faire son beurre du trafic d’antiquités, représentations considérées comme impies incluses, sans se préoccuper des questions religieuses.
Ces destructions rappellent inévitablement l’obscurantisme des talibans et la mise en pièces systématique des bouddhas de Bamiyan, en Afghanistan, en mars 2001. Plus proche de nous, les djihadistes ont tenté, à partir d’avril 2012, de démolir l’un après l’autre chacun des mausolées de Tombouctou, au Mali, sans y parvenir tout à fait. Les djihadistes ont été chassés de la ville et les travaux de reconstruction ont pu commencer. Car ni les marteaux, ni les burins ou les bâtons de dynamite ne peuvent venir à bout des symboles.