Les métavers: posons-nous les bonnes questions!
Technologie
CHRONIQUE. La réplication de nos activités, professionnelles notamment, dans les métavers, fait surgir certaines interrogations en matière de règlements et de déontologie, souligne notre chroniqueur

Pour les grandes sociétés d'internet, les métavers, ces mondes virtuels permettant une expérience immersive et une interaction en temps réel entre leurs utilisateurs, sont le «prochain chapitre d'internet».
Certains de ces métavers sont déjà en place, plus de 11 000 dans la seule plateforme Horizon Worlds de Meta, et de nombreux autres pourraient encore apparaître grâce aux environnements de développement mis à la disposition des communautés d’utilisateurs.
Ils sont également très variés, allant du divertissement à des utilisations commerciales. Certains, comme Anne Frank House, qui permet à tous de plonger dans le quotidien de la jeune fille durant la guerre, ont un objectif pédagogique. D’autres visent des usages professionnels, avec l’intégration de la Workroom de Méta dans des applications comme Zoom ou Microsoft Teams.
Des répliques virtuelles d’universités
Et ce n’est probablement qu’un début car il n’est pas irréaliste de penser que des universités pourraient, à terme, créer leurs répliques virtuelles pour dispenser leurs cours à des multitudes d’avatars-étudiants ou que des professionnels pourraient venir s’établir dans les métavers pour y exercer leurs activités.
Si une telle évolution semble désormais technologiquement possible, la réglementation de ces mondes virtuels reste encore à définir et il est donc crucial de réfléchir dès à présent au cadre dans lequel ils pourraient se développer.
En effet, si les métavers sont souvent présentés comme des réseaux sociaux augmentés, leurs applications peuvent aller beaucoup plus loin dans la réplication de nombreux d’aspects de notre vie quotidienne et les générations qui ont grandi avec les avatars des jeux vidéo risquent de leur trouver très vite des usages conformes à leurs intérêts.
Lire aussi notre analyse: Le métavers, nouveau territoire commercial
Certes, après plus d’une décennie d’utilisation des réseaux sociaux, nous avons aujourd’hui un certain recul pour comprendre et corriger leurs faiblesses, soit par des interventions des législateurs, soit par des mécanismes d’autorégulation, mais on peut légitimement se demander si ces moyens restent applicables, efficaces et pertinents dans le cas des métavers, du fait de leur nature immersive et synchrone? Une modération y est-elle seulement envisageable? A qui devrait revenir la charge d’une censure éventuelle et de l’autorité en général? Peut-il y avoir une quelconque vie privée dans des univers hébergés au sein de plateformes où tout est potentiellement enregistrable?
La déontologie professionnelle d’un architecte virtuel
D’une façon plus générale, les activités, notamment les prestations de services, répliquées dans les métavers peuvent-elles, doivent-elles, être soumises aux mêmes lois et règlements que dans le monde réel? Est-il possible de reconnaître une valeur officielle à un diplôme délivré dans un métavers? A quelles taxes, cotisations sociales et déontologie professionnelle un architecte, un médecin ou un avocat virtuel devraient-ils être soumis? Si, par exemple, le chalet bien réel conçu par des diplômés d’une école d’architecture virtuelle et acheté par l’intermédiaire d’une agence immobilière opérant dans le métavers présente un vice de construction, quels seraient les recours possibles?
Chaque utilisateur est légitime pour apporter sa contribution à ces questions car la force des métavers reposera d’abord, et surtout, sur l’utilisation qui en sera faite par chacun de nous. Notre implication collective est donc essentielle pour définir ce que seront ces mondes virtuels en construction. Ouvrons la page du meilleur des mondes virtuels!
Lire finalement la dernière chronique de Sébastien Kulling: ChatGPT: un utilisateur averti en vaut deux!
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