ÉDITORIAL. Les bénéfices record des géants du pétrole et les fortunes stratosphériques des milliardaires ne passent plus dans une population française à laquelle on demande constamment des efforts pour l’économie et le climat

Shell, Chevron, ExxonMobil, BP… Les géants du pétrole annoncent, les uns après les autres, qu’ils ont battu en 2022 leur record absolu de bénéfices. Chiffres qui devraient se confirmer en 2023 car on est loin de voir le bout des effets de la guerre en Ukraine sur la demande de gaz et d’hydrocarbures. Dernier en date, le groupe français TotalEnergies a annoncé ce mercredi un bénéfice net de 20,5 milliards de dollars. Son plus important jamais enregistré.
Des chiffres stratosphériques qui ne passent plus. Même le président américain, Joe Biden, démocrate mais pas tout à fait ce que l’on pourrait appeler un «gauchiste», les a qualifiés de «scandaleux» dans son discours sur l’état de l’Union mardi. En France, l’annonce de TotalEnergies a été suivie de dégradations sur les lieux de son siège et de prises de parole politiques enflammées. Il faut dire que ces chiffres sont de plus en plus vécus par une majorité de la population comme indécents, au sens de ce qui est déplacé et qui choque par sa démesure. Pas étonnant quand on sait que la France baigne depuis des années dans des discours assénant qu’il faut faire des efforts. Pour les retraites, pour la transition énergétique, pour l’Ukraine. Face à l’inflation, face au réchauffement, face aux pénuries, face au covid.
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Et la colère dépasse largement l’industrie du pétrole. Le fait que Bernard Arnault prenne régulièrement la tête du classement des personnalités les plus riches du monde, avec un patrimoine estimé à plus de 200 milliards de dollars par Forbes, ou le fait qu’il fasse plusieurs fois le tour du monde en jet privé alors que les canicules et les feux de forêt s’enchaînent, rend les arguments sur les non-augmentations de salaires et les économies d’énergie tout simplement inaudibles.
Quoi que l’on pense du ruissellement des richesses, quel que soit le bien-fondé des politiques économiques engagées ou prévues, quels que soient les chiffres rassurants de la conjoncture ou du taux d’emploi, quelle que soit même, au bout du compte, la réalité des inégalités, le gouvernement français et l’Europe vont devoir se pencher plus sérieusement sur la question et trouver des réponses qui parlent. Car si la population n’entend pas ce qui est fait et ne perçoit pas la logique pour le bien commun qui se cache derrière ces chiffres, ce sont les mélenchonistes ou les lepénistes qui s’en chargeront dans quelques années. Et leurs méthodes seront autrement plus disruptives pour l’économie…
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