Le Monde naît le 11 décembre 1944. Au cours de l'été et de l'automne, des ordonnances prises par le gouvernement provisoire mettent fin à l'existence de la presse collaborationniste et aboutissent à la saisie de leurs biens en faveur de nouveaux journaux. Le Monde prend la succession du Temps qui, bien que n'ayant pas fait partie de la presse de collaboration – replié à Lyon, il s'était sabordé le 29 novembre 1942 –, est interdit de reparution. Aux yeux des autorités de la Libération, ce journal est compromis avec les patrons du Comité des forges et du Comité des houillères. Le gouvernement provisoire scelle son destin par un artifice qui fixe au 26 novembre 1942 la date limite d'interruption de parution pour être considéré comme un journal non collaborationniste.
Avec Le Temps, le grand journal de la IIIe République disparaît. Il faut lui trouver un remplaçant qui pourrait bénéficier d'une place aussi éminente. A l'automne 1944, le ministre de l'Information se met à la recherche d'un personnage d'envergure pour le diriger. La plupart des candidats possibles sont déjà engagés dans la presse issue de la Résistance. L'homme du Monde s'appellera Hubert Beuve-Méry; il devient directeur du plus grand journal français à l'âge de 42 ans.
L'histoire et l'image du Monde sont inséparables de la personnalité d'Hubert Beuve-Méry. Il incarnera son sérieux, son indépendance, ses préoccupations sociales (proches du personnalisme), et son passé lavé de toutes taches (Beuve-Méry s'est engagé dans la Résistance dès la fin 1942). Le Monde s'oppose au communisme – qui constituait en France l'une des forces politiques dominantes. Mais, bien qu'il ne remette pas en cause l'économie de marché, il se distingue par le souci de défendre les plus faibles. En 1951, certains porteurs de parts reprochent à la rédaction ses positions critiques à l'égard du Pacte atlantique et de la colonisation. A l'issue de cette crise, Hubert Beuve-Méry augmente sa participation à la SARL, et la Société des rédacteurs du Monde est créée (elle peut s'opposer à la nomination d'un directeur).
Dans la période qui va de 1951 à 1962, la position du Monde s'affirme. Ses ventes augmentent. Il élargit son lectorat au-delà des cercles politiques et économiques, notamment en direction des universitaires. Durant la guerre d'Algérie, il est la première source d'information sur ce qui se passe de l'autre côté de la Méditerranée. Il devient un véritable journal d'opposition aux gouvernements de la IVe République. Il accueille avec intérêt l'arrivée du général de Gaulle au pouvoir. Mais, rapidement, les relations se dégradent de nouveau entre le gouvernement et la rédaction. La rupture est consommée lorsque de Gaulle fait adopter par référendum l'élection du président de la République au suffrage universel. En 1962, la diffusion du Monde s'établit à 180 000 exemplaires.
A partir de cette époque, Le Monde va devenir un journal d'opposition au gaullisme. Ce qui le conduit à se rapprocher de la gauche. Même s'il se fait remarquer par un éditorial titré «La France s'ennuie» quelques jours avant les événements de mai 1968, il élargit encore son lectorat. A la fin des années 60, il faut trouver un remplaçant à Hubert Beuve-Méry. Jacques Fauvet (directeur du journal) et Jacques Sauvageot (directeur administratif) prennent les rênes d'une société où le personnel détient désormais près de 50% des parts. La ligne rédactionnelle s'incurve de plus en plus. Le Monde apparaît alors comme un partisan de l'union de la gauche et de François Mitterrand. A la fin des années 70, sa diffusion est de 445 000 exemplaires.
Le Monde plonge dans la crise. Il paie son soutien à François Mitterrand par la désaffection d'une partie de ses lecteurs. Sa situation économique devient précaire. Et de violents conflits internes agitent sa rédaction. En 1984, un plan de redressement proposé par André Laurens est mis en échec (ce dernier démissionne, remplacé par André Fontaine). Le Monde rompt en 1985 avec le pouvoir et ouvre un conflit durable avec François Mitterrand à l'occasion de l'affaire du Rainbow Warrior. Les turbulences ne prendront fin qu'en 1994. Jean-Marie Colombani est nommé à la direction du journal et il entreprend un plan de relance économique et rédactionnel qui sera couronné de succès. En s'écartant du pouvoir politique, Le Monde a retrouvé son lustre. Il a reconquis ses lecteurs (en moyenne plus de 400 000 exemplaires en 2000). Augmenté ses recettes publicitaires. Et surtout mis en œuvre une stratégie de développement et d'alliances. C'est un journal remis de ses crises successives qui est entré cette semaine dans le capital du Temps.
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