Les populations alpines seront, en Suisse, les premières victimes du réchauffement climatique. A qui douterait de cette évidence, la catastrophe de Bondo offre un rappel tonitruant, effrayant même.

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Car s’il est vrai que les Alpes s’effritent depuis toujours (le tsunami du Léman, au VIe siècle, ou l’engloutissement de Derborence, au XVIIIe, le montrent assez), la hausse des températures accélère le rythme de ces événements dantesques, parfois meurtriers, que constitue l’effondrement de montagnes entières.

Selon la glaciologue Marcia Phillips, citée par le Tages-Anzeiger, le recul rapide du glacier qui solidifiait la base du Cengalo semble être la cause immédiate de l’éboulement de mercredi. Ce qui veut dire que demain, des événements similaires, ou plus colossaux encore, se produiront un peu partout dans les Alpes.

Rétifs face à l’écologie

En première ligne face au phénomène, les populations alpines ont longtemps eu du mal à prendre pour argent comptant les cris d’alarme des scientifiques. La montagne a toujours bougé et il en sera toujours ainsi, marmonnaient-elles avec fatalisme en s’appuyant sur la proverbiale «sagesse des anciens». Les habitants des vallées ont aussi été les plus rétifs face à l’écologie, souvent perçue comme une lubie inutile des habitants des villes.

Ce scepticisme n’est plus de mise aujourd’hui. A l’avenir, la Suisse va devoir s’équiper pour se prémunir contre des catastrophes d’une ampleur inimaginable. Cela implique un profond changement – on n’ose pas dire «de paradigme» – dans la façon dont sont aménagées les Alpes.

Au XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui, celles-ci ont été équipées en vue d’un rendement maximal, du ski aux barrages hydroélectriques en passant par les résidences secondaires et l’agriculture. Il faut désormais raisonner davantage en termes de protection face aux risques venus des cimes. Ce qui impliquera de démanteler ou d’abandonner certaines installations datant d’avant le réchauffement.

Danger imminent

L’administration fédérale a déjà prévenu: «La recrudescence des mouvements de terrain, en particulier dans des endroits jusqu’ici épargnés», va toucher «des zones urbanisées, des équipements touristiques, des barrages, des infrastructures routières et ferroviaires, des conduites de gaz et des lignes électriques dans les Alpes».

Face à l’imminence du danger, dresser des plans technocratiques à Berne ne suffit pas. Seule une prise de conscience de tous les acteurs de terrain (habitants, autorités, acteurs économiques, scientifiques) permettra une mobilisation efficace. Si l’éboulement du Cengalo peut y contribuer, il aura servi à quelque chose.

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