Joseph Deiss s'en va, mais en matière de politique européenne la messe n'est pas dite. D'ici au 31 juillet prochain, l'agenda européen reste chargé. Les consultations sur l'introduction unilatérale en Suisse principe dit du «Cassis-de-Dijon» (la reprise des normes européenne de validation des produits), bel exemple d'alignement «autonome» sur les politiques de l'UE, et celles sur un éventuel accord de libre-échange agricole avec les pays de l'UE touchent à leur fin. Au-delà de ces questions sectorielles, le Conseil fédéral fera connaître sa stratégie d'intégration européenne à moyen et long terme en publiant au mois de juin le rapport promis en début de législature.
Ainsi, avant de passer le témoin, Joseph Deiss aura l'occasion de tirer une dernière cartouche en faveur de l'adhésion. En tant que ministre de l'Economie, il lui appartiendra de souligner que la «voie bilatérale» n'a pas permis aux entreprises suisses d'obtenir un accès illimité au marché européen, et que d'autres voies d'intégration doivent être envisagées sans tarder. Prenant le contre-pied des affirmations d'economiesuisse, il devra expliquer que seule l'adhésion est à même de garantir un cadre stable pour les investissements suisses en Europe, de faire baisser les coûts de production de manière sensible et d'éliminer toutes les entraves (tarifaires ou bureaucratiques) au commerce avec l'UE. En tant que ministre responsable et lucide, il devra ajouter que la Suisse reste exclue de toute participation aux décisions politiques qui pourtant conditionnent son avenir.
En juin prochain, malgré les efforts du conseiller fédéral démissionnaire, la majorité du Conseil fédéral déclarera que le moment d'entamer des négociations d'adhésion n'est pas encore venu. Mais cette déclaration ne réglera rien. L'ensemble de la question européenne continuera d'interroger la Suisse. Quelle sera l'attitude des conseillers fédéraux Micheline Calmy-Rey et Moritz Leuenberger, membres d'un parti qui vient de demander clairement l'ouverture de négociations d'adhésion au terme d'une étude sérieuse et fouillée? Quelle sera la position du conseiller fédéral Pascal Couchepin, héritier d'un radicalisme latin ouvert qui semble en voie d'extinction? Sauront-ils s'allier au nouveau ministre PDC pour agir en faveur de l'adhésion? Sauront-ils éviter que le camp emmené par Christophe Blocher ne donne davantage de gages aux milieux hostiles à l'adhésion, qui, il convient de le rappeler, ne dépassent toujours pas le 33% de la population?
Au moment où le PDC prépare sa relève, le Nomes attend qu'il présente des candidats de la trempe européenne de Joseph Deiss. Le référendum sur la participation de la Suisse à la cohésion économique de l'Union européenne remet en question l'ouverture de la Suisse, si modeste soit-elle, de manière frontale. Il est impensable que le Conseil fédéral se lance dans cette bataille sans compter en son sein une femme ou un homme qui puisse défendre sa politique européenne de manière crédible. Au-delà du milliard de francs qui représente la participation de la Suisse à cet effort européen de cohésion, il incombe à l'Assemblée fédérale d'élire un nouveau conseiller fédéral pleinement conscient des défis qui se posent à la Suisse: des prix trop élevés en comparaison européenne, un «bilatéralisme» lourd, statique et constamment soumis à référendums et, surtout, l'absence de toute voix suisse à Bruxelles où pourtant se prépare notre avenir.