Je ne défile pas ce vendredi. UN, parce que je travaille. Ce n’est pas que mon patron m’y oblige, je n’en ai pas et n’en ai jamais eu. Ayant fondé ma propre entreprise, ce qui n’est pas une sinécure mais un acte constructif, utile à l’image des femmes égales des hommes, je ne peux me rallier au propos du manifeste de la grève féministe qui stipule: «Les conditions de travail et de retraite ont été péjorées. L’économie capitaliste veut maximiser les profits au détriment de l’être humain et de l’équilibre écologique.» Cette affirmation est un amalgame injurieux, discriminant et surtout faux. Malgré cela, nombre de chefs d’entreprise ont pris position en faveur de la grève, témoignant en l’occurrence d’un sens aigu de l’opportunisme.

DEUX, parce que je n’aime pas le logo de la manifestation. Ce cercle posé sur une croix, vieux comme le monde, c’est l’ankh égyptienne, symbole de la fertilité, extrêmement réducteur. Avec un peu d’imagination, Mesdames, vous l’auriez retourné pour qu’il devienne cet orbe crucifère, une croix sur un globe, symbole d’autorité et de pouvoir, utilisé depuis le Moyen Age par les reines et les rois, les impératrices et les empereurs. Au contraire, le signe de la femelle (Vénus, tout un programme!) s’oppose à celui du masculin, un cercle (le bouclier de Mars) surmonté d’une flèche, dynamique, pénétrante, conquérante. Ah! ces hommes, incorrigibles!

Manque de cohérence

Mais le vrai problème c’est que dans la sphère de ce logo féminin, référant bien entendu à la rotondité de notre ventre en état d’enfantement, figure un poing levé. Les organisatrices qui cherchent à revaloriser tout ce qui appartient en propre aux femmes, et qui n’est pas assez considéré par «la société patriarcale», violent ainsi la sacralité de notre matrice. Elles y placent un signe de révolte et de violence, né du Parti communiste et utilisé par les activistes de gauche, ce que nous savons toutes. Pourquoi dès lors des femmes de droite se rallient-elles à cette bannière, faisant preuve en cela d’un manque de cohérence qui nous est trop souvent reproché?

QUATRE, parce que cette grève se place sous le signe d’un féminisme victimaire que je réprouve. Le manifeste assène: «Nous sommes toutes exposées au sexisme, aux discriminations, aux stéréotypes et aux violences, sur le lieu de travail, à la maison ou dans la rue.» C’est totalement exagéré. Nous ne sommes pas toutes exposées et, s’il faut déplorer que certaines le soient encore, ce vocabulaire victimaire nous dévalorise, et sous-entend que l’ensemble de la gent féminine est incapable de se défendre et de se faire respecter. Qu’il y aurait pour elle une fatalité à subir, une malédiction à se faire marcher sur les pieds. Ce discours outrancier favorise ce qu’il veut dénoncer, un stéréotype de vulnérabilité et d’impuissance qui colle aux femmes, alors même qu’à force de courage elles parviennent toujours mieux à s’en débarrasser.

Une grève qui ne sert à rien

CINQ, parce que je ne peux pas défiler avec mon compagnon de vie (qui ne rêvait que de ça!), interdit de présence. On n’a jamais vu que les couturières soient exclues d’une manifestation des ouvriers du bâtiment, ni que les bien portants ne puissent défiler lors d’un mouvement en faveur des handicapés. La solidarité hommes-femmes, cela existe pourtant, et je ne vois pas comment obtenir un changement de regard et de comportement des hommes sans les intégrer à la problématique. Pourtant, l’appel à la grève revendique la non-mixité, sauf pour les cisgenres…

SIX, parce que, enfin et surtout, je pense que cette grève ne sert à rien, sinon à nous instrumentaliser. Les avancées dont les femmes ont heureusement bénéficié depuis un siècle ne sont pas à l’arrêt. Chaque jour voit une évolution positive dans tous les domaines. C’est d’ailleurs bien connu que les revendications vont croissant en même temps que les discriminations diminuent. Je ne défile donc pas, parce que c’est avec nos têtes que nous parviendrons à l’égalité, pas avec nos pieds!


Retrouvez notre suivi en continu de la grève, ainsi que nos articles sur la question de l'égalité.

La précédente chronique de Marie-Hélène Miauton: Nouveau Parlement européen: une Europe divisée  

Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.