ÉDITORIAL. En proposant, mercredi, un nouveau projet de «pacte pour la migration», la Commission européenne recherche logiquement un compromis entre ses 27 pays membres et les pays partenaires de l’espace Schengen, dont la Suisse. Mais il lui faut aussi, très vite, sécuriser un «noyau dur» d’Etats, prêts à se battre pour imposer le futur texte aux plus récalcitrants

La Commission européenne n’a fait, mercredi, que poser la première pierre de son chantier le plus important, aux côtés du fonds de relance de 750 milliards d’euros arraché aux 27 Etats membres en juillet.
Ce chantier concerne la gestion des flux migratoires et la protection des frontières extérieures de l’UE. Imaginer que l’Europe communautaire pourra tenir son rang dans le monde, et continuer d’incarner ses valeurs auprès des 450 millions de citoyens, si une politique cohérente, ferme et équitablement partagée de l’asile n’est pas mise en place serait en effet une dangereuse illusion. Ferment de tous les populismes, carburant pour les nationalismes les plus exacerbés, la question des migrants ne peut pas être mise de côté, sous prétexte que les arrivées diminuent, avec pour seule réponse des camps sordides comme celui de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, récemment détruit par un incendie.
Que la Commission se saisisse de ce sujet, après avoir annoncé l’abrogation du pacte de Dublin et des responsabilités écrasantes que celui-ci faisait peser sur les pays de première arrivée (Grèce, Italie, Malte, Espagne pour l’essentiel), est donc une excellente nouvelle. Ce courage communautaire, de la part de l’institution détentrice de l’initiative législative européenne, doit être salué.
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Mais ne nous leurrons pas: aussi subtiles et équilibrées soient-elles, les nouvelles propositions migratoires se heurteront à un mur si un groupe de pays résolus ne s’en empare pas, avec la volonté de les faire aboutir. Il faut, aujourd’hui, que les gouvernements d’Etats hostiles à tout accueil de migrants, à commencer par la Hongrie et la Pologne, soient mis dans l’obligation de partager, sous forme de financements, d’apports en matériel ou de contributions à l’agence Frontex de protection frontalière, ce fardeau humanitaire. Laisser le crucial débat migratoire s’éterniser, puis s’enliser, serait une erreur funeste pour l’Union.
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Il ne s’agit pas d’imposer des quotas de migrants, ou de passer outre les autorités nationales. Il s’agit, au moment où l’Union s’apprête pour la première fois à s’endetter en commun pour financer sa relance, de redire que la solidarité ne peut pas être qu’une affaire budgétaire. La responsabilité de la Commission est de communiquer dès maintenant sur ce thème. Sans tabou. En insistant sur le volet des retours indispensables vers les pays d’origine. Une gestion humaine, responsable, des migrations est l’autre condition d’une Europe debout.
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