Opinion
Sous des traits généreux, le revenu de base inconditionnel va en réalité diviser la société entre ceux qui ne travaillent pas et profitent et ceux qui travaillent et nourrissent les autres, déplore François de Vargas, ancien secrétaire romand de la Déclaration de Berne

Jusqu’à présent, ce sont surtout les économistes qui se sont exprimés sur le projet de RBI (Revenu de base inconditionnel) qui sera soumis au vote du peuple suisse le 5 juin prochain. Tant des économistes de droite que de gauche ont donné de nombreux arguments pour. Et si l’on en parlait un peu d’un point de vue sociologique, psychologique, éducatif ou tout simplement politique?
Quand je parle de RBI, il s’agit bien d’un revenu régulier permettant de vivre. Les initiants ont parlé de 2’500.- par mois. Personne n’aurait d’objection à recevoir de temps en temps 1000.- de la BNS, comme le suggérait un article du Temps du 15 mars 2016. Mais imaginons que tout habitant de ce pays reçoive tous les mois assez pour vivre (en admettant que 2500.- soit assez pour vivre!) Très vite, la société serait partagée entre ceux qui ne travaillent pas et profitent et ceux qui travaillent et nourrissent les autres (car il faut bien que certains continuent à travailler pour alimenter le fonds du RBI).
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Comment continuer à encourager les jeunes à se lancer dans des études
On me dira que c’est déjà le cas maintenant, puisqu’il y a des chômeurs, des rentiers AVS et AI. Oui, mais ils sont dans cette situation à leur corps défendant et non par libre choix et la société se sent des responsabilités à leur égard. Dans le cas du RBI les rentiers pourraient l’être par choix.
Comment voulez-vous encourager des jeunes à se lancer dans des études s’ils sont assurés d’avoir de quoi vivre? Certains le feraient par intérêt, mais qu’en serait-il de la grande masse des adolescents qui pensent surtout à faire la fête?
Et puis a-t-on songé aux négociations des syndicats? Ceux-ci pourront-ils demander des augmentations de salaire si tous les ouvriers reçoivent automatiquement 2500.- en plus de leur salaire? Cela diminuerait la part des salaires dans les obligations des entreprises (tout en augmentant peut-être la part des impôts).
Croit-on que l’argent tombe du ciel?
Et quel serait l’effet du point de vue international? L’institution d’un RBI fera-elle affluer les étrangers en Suisse? Peut-être pas, mais à condition que les mesures anti-étrangers se durcissent. Est-ce cela que souhaitent les initiants?
Ceux-ci disent que le RBI remplacerait les prestations sociales et ainsi déchargerait l’administration de toutes sortes de tâches de contrôle. Je n’en crois rien. Car avec 2500.- par mois on n’arrive pas à vivre. Il faudrait donc quand même examiner la situation des malades, des vieillards, des chômeurs, d’autant plus que les besoins augmentent avec l’âge.
Enfin, quel message apporterait-on? Qu’il n’y a pas de lien entre le travail et le revenu? Que l’argent tombe du ciel? Il faut savoir que si je ne travaille pas mais que je peux vivre, c’est bien parce que d’autres travaillent (en Suisse ou dans le reste du monde).
Certes il faut déculpabiliser les chômeurs, donner à chacun les moyens de vivre, mais je ne crois vraiment pas qu’un RBI à 2500.- soit le meilleur moyen.
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