En Suisse, des bébés meurent plus que d’autres. 40% des décès infantiles concernent des enfants nés de mères de nationalité étrangère. Une situation qui contribue à la stagnation des taux de mortinatalité et de mortalité infantile dans notre pays à un niveau élevé en comparaison européenne. De même, la morbidité est plus grande chez les nouveau-nés de mères non suisses, lesquelles connaissent une mortalité maternelle quatre fois plus fréquente.
En 2006 et 2010, deux recherches mandatées par la Confédération ont mis en évidence ces risques accrus pour les populations migrantes. Ces disparités sont notamment dues à la faiblesse de notre politique d’intégration, ont conclu les professeurs Paola Bollini et Philippe Wanner. La peur de perdre leur emploi ou d’être expulsées met une large partie des 20 000 migrantes enceintes sous pression pendant leur grossesse. Leur isolement social et leurs difficultés de communication avec les professionnels de la santé ainsi que la peur d’être dénoncées pour situation irrégulière freinent leur accès aux soins. Au vu de cette situation, les auteurs suggèrent d’améliorer la protection des femmes enceintes sur le marché du travail, d’introduire un statut de séjour protégé pour les femmes enceintes en situation illégale et de généraliser la présence d’interprètes lors des consultations anténatales prévues par la LAMal.
Me fondant sur ces premiers constats et pistes d’action, j’ai interpellé en 2010 le Conseil fédéral, qui s’est déclaré «disposé à s’investir […] en faveur de bases de données différenciées». Les données existantes sont lacunaires, il faut les compléter. Afin de poursuivre l’analyse des causes multiples de disparité, j’ai déposé un postulat, en septembre 2012, demandant au Conseil fédéral d’établir un rapport sur la santé maternelle et infantile en Suisse, en lien avec les critères migratoires. Son but: documenter la situation et préciser les interventions possibles. Des interventions nécessaires face à la réalité migratoire en Suisse et à l’importance de ces problèmes de santé reproductive pour les personnes concernées, mais aussi pour toute la collectivité. Comme l’a dit le conseiller fédéral Alain Berset au cours des débats, «la santé des femmes enceintes, des mères et des nouveau-nés est primordiale pour l’ensemble de la société». Le 3 décembre, le Conseil des Etats a transmis mon postulat au Conseil fédéral, qui élaborera donc le rapport demandé. Un premier pas – fût-il modeste – pour que, dans la Suisse de demain, des nouveau-nés ne soient plus victimes de «désintégration».
Les naissances de mères migrantes en situation précaire inquiètent le parlement
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