Fin avril, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni comme chaque année pour traiter de la question du conflit du Sahara occidental entre le Maroc et le Front Polisario ainsi que de la présence des forces onusiennes sur le terrain. Depuis 1991, la Minurso continue à observer le respect du cessez-le-feu par les deux parties. C’est cher payé un corps onusien lorsque la volonté politique n’est pas au rendez-vous pour faire respecter les résolutions de l’ONU.

La situation reste tragique pour la population sahraouie qui vit des deux côtés du mur long de plus de 2000 kilomètres, construit voici plus de vingt ans par le Maroc pour empêcher l’armée sahraouie d’atteindre les mines de phosphate et l’Atlantique poissonneux. Un mur bordé de milliers de mines, protégé par au moins 150 000 soldats marocains. D’un côté, les habitants sahraouis du Sahara occidental occupé par le Maroc depuis 1975 et de l’autre les réfugiés sahraouis en terre algérienne près de l’oasis de Tindouf sur une hamada des plus inhospitalière du point de vue climatique et géologique.

Rappelons l’enjeu du conflit: dernier pays africain en mal de décolonisation, le Sahara occidental est une «ancienne» colonie espagnole. Le processus de décolonisation chavire en 1975; l’Espagne signe un accord avec le Maroc et la Mauritanie, offrant la moitié nord et riche en phosphate au premier et le sud désertique au second. Contre des intérêts dans les mines de phosphate, bien sûr! Personne n’est dupe de la manœuvre quand quelques années plus tard, le Maroc colonise aussi la partie mauritanienne. Proclamé en 1991, voici bientôt 20 ans, le cessez-le-feu s’est transformé en un long calvaire d’injustice pour le peuple sahraoui qui a cru dans la résolution 1920 du Conseil de sécurité lui promettant un référendum juste et régulier.

Dernière trahison marocaine, la proposition d’une autonomie interne avec l’appui inconditionnel de la France. Ce pays a été jusqu’à user de toute son influence de membre permanent du Conseil de sécurité, le 30 avril dernier, pour s’opposer à toute référence aux droits humains et donc à l’extension du mandat de la Minurso pour la protection de la population civile sahraouie. Oui français à l’autonomie mais non français à la protection des civils. Pourtant Human Rights Watch, Amnesty International et de très nombreuses ONG dénoncent clairement la violence de la répression. Dans le trou noir du monde, sans témoin. A cinq heures de Genève! L’arbitraire le plus total est de rigueur; les défenseurs des droits humains sont emprisonnés sans procédure légale, la population est violemment réprimée lors de chaque manifestation pacifique et tout cela sous le regard inactif de la Minurso.

Dans son rapport du 30 avril, l’ONU appelle une nouvelle fois les parties à la négociation. Mais qu’y a-t-il à négocier? La date du référendum, le nombre d’observateurs internationaux à convoquer pour observer la régularité du scrutin? Si la France jette aux orties les résolutions qu’elle a elle-même soutenues, la Suisse pour sa part les a toujours défendues. Peut-être pas assez vivement.

Bien que notre pays traite plusieurs dossiers de concert avec le Maroc dans le cadre du Conseil des droits de l’homme, on peut espérer que lors de la session de la 4e commission de décolonisation qui va se tenir en automne à New York, nos représentants exprimeront clairement notre soutien aux résolutions onusiennes, demanderont de fixer une date pour le référendum d’autodétermination (dont les résultats montreront si le peuple sahraoui choisit l’indépendance ou le Maroc), réitéreront la nécessité d’élargir le mandat de la Minurso à la protection de la population civile ou proposeront l’ouverture d’un bureau du Haut-Commissariat pour les droits de l’homme au Sahara occidental.

La Suisse participerait alors concrètement à la résolution d’un conflit oublié vieux de 35 ans. Une belle avancée pour la paix dans le monde qui est, nous dit-on, une priorité pour nos autorités fédérales, et ceci au moment où Joseph Deiss va sans doute devenir président de l’Assemblée générale de l’ONU.

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