On se la colle?!
OPINION
AbonnéOPINION. Pourquoi encore passer du temps à militer et tenter de convaincre quand une action spectaculaire bien choisie vous vaudra une attention médiatique immédiate à coût quasi nul? Le regard caustique du conseiller municipal indépendant Yves Herren

Se la coller subrepticement sur à peu près tout ce qui bouge – ou ne bouge pas –, si possible en plein direct à la TV, un jour d’élections, pour surprendre; ou encore mieux, dans un endroit qui embête le plus de monde possible, est devenu un moyen de faire le buzz qui alimente les bêtisiers et fait des choux bien gras jusqu’à la BBC, CNN, FOX NEWS et même… la RTS.
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Ce genre d’événements à haut potentiel prend 5 minutes à organiser et 5 minutes à réaliser. Bref, encore moins de temps qu’il n’en faut pour planter des topinambours dans un golf. Ce qui, par contre, a sûrement pris au moins une demi-heure: on relèvera donc la durée de l’effort de cet autre événement.
L'anniversaire de tonton Gustave
Ça fait une belle photo pour un résultat médiatique dépassant toutes les espérances, les premiers émois survenant généralement soit immédiatement, soit quelques minutes après en version Faceboook lorsque les premiers likes pleuvent en cascades; c’est partagé, c’est viral, c’est l’hystérie, le décompte commence…
Ça rappelle un peu l’effet du selfie insensé des cousins à moitié nus dans le jardin, à l’anniversaire de tonton Gustave, posté sur les réseaux sans trop réfléchir, un peu bourrés vers les 23h.
Une pantalonnade déclaratoire nécessitant 10 minutes de travail au total, pas plus, pas moins, vaudra à son auteur une transformation héroïque à bon compte, limite canonisation médiatique: en bien ou en mal, on en parlera. Google et ses images sont là pour assurer la postérité de l’auteur pour un effort somme toute bien modeste car, rappelons-le, nous approchons là la barre fatidique des 20 minutes d’investissement personnel.
Le résultat est garanti, en tout cas bien plus garanti que si vous aviez consacré une soirée par semaine toute la sainte année à travailler – oui j’ai bien dit travailler, ensemble avec d’autres humains.
Travailler sur un projet, une cause ou un dossier commun, avec les moyens d’action déterminants que toutes les démocraties du monde nous envient que sont la pétition, l’initiative populaire ou encore le référendum. Spécialités suisses autrement plus fondamentales que se la coller.
Une chronique sur ce sujet: «Ah, non, Monsieur, c’est une honte!»
A noter, pour celles et ceux qui ne le sauraient pas, que le référendum, la pétition et l’initiative respectent les lois, si tant est que l’on trouve cela intéressant et opportun, bien entendu.
Arrêtez de vous fatiguer
Travailler pour convaincre sur la durée, prendre du temps à la rencontre des autres, quelle belle chose. Malheureusement la notion de durée du travail et d’effort à long terme n’est que trop peu instagrammable pour espérer imaginer atteindre un niveau de rentabilité correcte entre le temps passé et le résultat obtenu.
Alors arrêtez de vous fatiguer à travailler sur la durée, que diable. Il faut se la coller.
Se la coller sur son décompte AVS, trop faible pour survivre. Se la coller sur la facture d’assurance maladie trop élevée pour espérer pouvoir continuer d’être soignable. Se la coller sur sa déclaration d’impôts toujours trop élevée. Se la coller sur un tonneau aux caves ouvertes pour s’insurger en hurlant sur le manque de considération des vins locaux genevois.
Vous voilà au parfum et averti: si vous voulez qu’on parle de vous et du sujet qui vous tient à cœur, pas la peine de vous fatiguer à y travailler. Il suffit de vous la coller!
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