Opinion
OPINION. Le moment est venu d’opérer une transition intégrale vers le libre accès aux publications de la recherche, écrit Angelika Kalt, directrice du Fonds national suisse de la recherche scientifique

Le libre accès aux résultats de la recherche financée par des fonds publics était au centre de la conférence nationale Open Access vendredi dernier à Lausanne. L’open access doit devenir en effet une évidence, et servir la science, l’économie et toute la société.
Les pouvoirs publics en Suisse apportent aujourd’hui leur soutien à la science par des contributions financières très importantes. Sur mandat de la Confédération, le FNS à lui seul investit dans ce domaine près de 1 milliard de francs chaque année. Le FNS finance actuellement 6000 projets impliquant 17 000 chercheurs et chercheuses, qui génèrent par leurs travaux une profusion de nouvelles connaissances.
Accès limité et double facture
Pourtant, l’accès à ces connaissances demeure limité. De nombreux résultats de recherche sont uniquement publiés dans des revues ou des ouvrages spécialisés payants. Ces publications sont pour la plupart éditées par des maisons d’édition privées qui se chargent du contrôle de la qualité et de la distribution. Les bibliothèques universitaires s’abonnent aux revues ou achètent les ouvrages auprès des éditeurs afin que les chercheurs aient accès aux résultats de la recherche de leurs pairs. Au cours des dernières années, les grandes maisons d’édition internationales ont imposé des hausses de coûts massives et réalisé des bénéfices considérables. En 2015, les universités et hautes écoles suisses ont ainsi souscrit à des abonnements à hauteur de 70 millions de francs.
Aujourd’hui, seuls 50% des résultats issus de la recherche financée par le FNS sont en libre accès
Les pouvoirs publics paient donc deux fois: une première fois pour financer les projets de recherche, et une seconde fois pour rendre les résultats accessibles. Et pourtant, ni la communauté scientifique dans son ensemble ni le grand public n’ont accès aux nouvelles connaissances, mais uniquement les chercheurs œuvrant au sein d’une institution ayant les moyens de souscrire à un abonnement.
Passer de 50 à 100%
Aujourd’hui, seuls 50% des résultats issus de la recherche financée par le FNS sont en libre accès, autrement dit gratuitement disponibles sur un support numérique. Notons que la moyenne nationale est de 39%.
Si la Suisse se positionne par ce chiffre à la première place mondiale en matière d’open access, cela ne saurait pourtant suffire. La publication des résultats de la recherche bénéficiant de fonds publics doit être accessible à tous. Tel est l’objectif que le FNS entend appliquer d’ici à 2020 à tous les projets qu’il encouragera.
Les chercheurs seront les premiers à en bénéficier: leurs publications atteignent un public considérablement élargi et ils disposent d’un accès illimité aux résultats de leurs pairs. Grâce au libre accès, la société tire immédiatement avantage des nouvelles découvertes scientifiques, tandis que les entreprises et les pouvoirs publics peuvent développer sans retard des produits et prestations innovantes.
Un nouveau modèle de financement
Il va de soi que l’open access n’est pas gratuit. Le contrôle de la qualité et la distribution nécessiteront toujours des moyens financiers. Ces coûts doivent être assumés directement par les instituts de recherche et de promotion de la recherche et non plus par des abonnements.
Le FNS facilite la tâche des chercheurs afin qu’ils puissent remplir leurs obligations vis-à-vis de l’open access: il prend à sa charge tous les coûts de publication des résultats dans les revues ou ouvrages correspondants.
Le temps de la transition est venu
Le FNS ne s’engage pas seul sur la voie de l’open access. Les universités et hautes écoles suisses entendent elles aussi, à compter de 2024, rendre gratuitement accessibles à tous les publications scientifiques issues de la recherche financée par l’Etat. En septembre 2018, plusieurs organismes européens de promotion de la recherche ont souscrit au Plan S. Les scientifiques liés à ces organismes seront tenus à partir de 2020 de publier en open access.
Le moment est venu d’opérer une transition intégrale vers le libre accès aux publications de la recherche. Pour que le savoir appartienne à ceux qui l’ont produit ou financé. Et pour que la recherche puisse déployer tout son potentiel d’utilité.
Angelika Kalt est directrice du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS).
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