Le parlement ose le risque de fâcher Pékin
Editorial
ÉDITORIAL. Une décision du Conseil national favorisant un rapprochement avec Taïwan suscite une vive réaction de Pékin. Ce n’est sans doute qu’un début

En votant une motion pour favoriser les échanges entre le parlement fédéral et le parlement taïwanais, le Conseil national vient d’enfoncer un coin dans une faille hautement sismique: celle de la géopolitique internationale. C’était d’ailleurs son but. Par leur texte, les députés ont voulu envoyer un message, celui d’une Suisse neutre qui n’en défend pas moins des valeurs. Or celles-ci sont menacées non seulement en Ukraine mais ailleurs dans le monde. Et dans ce combat-là, Taïwan occupe une place à part, en tant que modèle démocratique asiatique de plus en plus mis sous pression par Pékin, qui en revendique la souveraineté.
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La réaction chinoise était prévisible. Pékin ne manque plus une occasion de dénoncer les ingérences dans ce qu’elle considère comme ses affaires intérieures. Les protestations se sont multipliées ces dernières années, y compris en Suisse. On vient toutefois de franchir un cap avec l’intervention du parlement. Et de ce point de vue, l’ambassade de Chine n’a pas tort de souligner la portée de ce vote et donc le risque qu’il comporte pour les relations bilatérales. De nombreux autres parlements, européens pour la plupart, ont déjà fait ce pas pour établir un contact régulier avec leurs collègues taïwanais. Les conséquences restent difficiles à mesurer. Elles tiennent beaucoup à l’intérêt respectif de ces pays envers Pékin et son économie.
La Suisse est un relatif poids lourd pour la Chine. Des mesures de rétorsion seraient contre-productives à l’heure où sa croissance flanche et que le Parti communiste cherche à réchauffer ses relations avec l’Europe. Dans ce contexte, les parlementaires suisses auraient tout intérêt à jouer la solidarité continentale. Mais on sait à quel point la Suisse est isolée en ce moment. Cette motion met aussi le doigt sur une autre faille qui relève, celle-ci, de la politique nationale et divise notre compréhension de la neutralité comme de nos intérêts économiques. Elle recouvre en partie le débat qui s’est engagé à propos de l’Ukraine et la question de savoir dans quel camp la Suisse s’inscrit et comment elle s’y inscrit. C’est une inquiétude qui monte dans les milieux économiques: que fera Berne le jour où Pékin envahira l’île? Elle est de moins en moins théorique.
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