L’échec du Grand Genève est-il consommé? Le refus de la Confédération de continuer à attribuer des financements à l’agglomération genevoise pour des projets qui tardent trop à se réaliser pourrait le laisser penser.

Tout avait pourtant bien commencé! En 2007, la signature de la charte du Projet d’agglomération valdo-franco-genevois avait suscité de grands espoirs. La coopération entre tous les acteurs de la région devait permettre d’accompagner la croissance économique vigoureuse de l’économie du bassin lémanique. Elle devait aussi réduire les effets induits négatifs de l’explosion brutale du nombre de frontaliers, consécutive à l’entrée en vigueur de la libre circulation des personnes.

Le «projet d’agglo», comme on l’appelait alors, avait une double ambition: rééquilibrer la balance entre emplois et logements des deux côtés de la frontière et doter la région des transports publics et des autres infrastructures de transport nécessaires à son développement harmonieux.

Engagement de la Confédération

Le succès en votation populaire du CEVA, en 2009, et l’attribution du 8e Grand Prix européen de l’urbanisme au Projet d’agglomération, en 2010, donnaient une forte assise et une grande crédibilité à la coopération transfrontalière. La récompense vint sous la forme d’un engagement financier massif de la Confédération.

L’exemple des transports publics est très éclairant. Le tram Cornavin-Meyrin-Cern (TCMC) et le tram Cornavin-Onex-Bernex, tous deux mis en service en 2011, ont reçu respectivement un financement de 210 millions et 90 millions de francs. Côté français, le dynamisme n’était pas moindre avec le projet de tram Annemasse-Genève et la mise en service des bus à haut niveau de service, financés en partie dans le cadre du Projet d’agglomération.

Ce ne devait être qu’un début! En 2007, on prévoyait de prolonger le TCMC jusqu’au centre de Saint-Genis-Pouilly; depuis Nations, le tram devait rejoindre le Grand-Saconnex à l’horizon 2014, puis Ferney et l’aéroport en 2018; la ligne Genève-Saint-Julien (par la route de base) devait être mise en place à la même échéance.

Aucune réalisation

Onze ans après, aucun de ces projets n’a été réalisé! Pire, aucun chantier n’est prêt à démarrer. Comment a-t-on pu en arriver à un tel gâchis. En 2012, le Projet d’agglomération est rebaptisé «Grand Genève», mais les tensions sont déjà vives. Les élus français s’irritent de l’incapacité des Genevois à produire 2500 logements par an comme ils s’y étaient engagés. Des deux côtés de la frontière, la crise économique a réduit la marge de manœuvre budgétaire.

En 2014, l’adoption de l’initiative de l’UDC «Contre l’immigration de masse», le 9 février 2014, et surtout l’échec en votation populaire du financement de cinq parkings-relais (3 millions de francs), le 18 mai 2014, viennent briser l’élan. Depuis lors, la réalisation de nouvelles lignes de tramway n’a clairement pas été la priorité du gouvernement genevois. En outre, les projets reportés aux calendes grecques ont perdu leur dimension transfrontalière. Plus question d’aller à Saint-Julien ou à Ferney, on s’arrêtera aux Cherpines et au Grand-Saconnex.

Il ne reste plus qu’à espérer que le coup de semonce de la Confédération aura de l’effet. Peut-être le peuple genevois élira-t-il des candidats ayant le courage de défendre le Grand Genève et la conscience de l’absolue nécessité de reprendre la construction des lignes de tramway. Sinon, dans un réseau routier déjà saturé et l’embellie économique que nous connaissons, Genevois et frontaliers n’ont pas fini de pester contre les embouteillages.

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