La nuit porte conseil, dit-on: après avoir justifié sa participation à des journées de réflexion indemnisées 2000 francs par l’assurance maladie Groupe Mutuel mercredi soir, sur le plateau d’Infrarouge, consacré à la hausse des primes, après avoir défendu mordicus sa position face à un Pierre-Yves Maillard droit dans ses bottes, le conseiller national PLR valaisan Philippe Nantermod [par ailleurs chroniqueur au Temps] a finalement annoncé jeudi matin sur ses comptes sociaux qu’il y renonçait, qu’il avait fait «une erreur». «J’ai toujours eu à cœur de garder une indépendance, et j’ai pensé pouvoir le faire. Or l’apparence au moins d’indépendance ne peut pas être garantie. Je n’entrerai pas dans ce groupe qui compte une dizaine de parlementaires fédéraux […]. Je souligne que je n’ai jamais rien touché de mes participations antérieures à des discussions avec des assurances […].»

En mode «damage controle»

Les réactions se comptaient déjà par dizaines deux petites heures après ce message, signe de l’écho de la question. Beaucoup de moqueries et de critiques: «On doit remercier d’abord monsieur Maillard! Qui vous a fait ouvrir votre conscience»; «Trop tard le mal est fait». Mais beaucoup de félicitations aussi: «Réussir à faire son autocritique est une qualité humaine et politique qui n’est pas aussi répandue que l’on pourrait l’espérer. Donc bravo!» salue ainsi l’expert du numérique Stéphane Koch. «Respect! commente aussi l’UDC Yvan Perrin. Je ne suis pas souvent d’accord avec M. Nantermod mais il faut admettre qu’il a du courage.» S’attirant immédiatement un cinglant: «Il ne veut pas tomber un jour comme Maudet, tout simplement.»

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Car l’heure est à la transparence, même si elle est plus réactive qu’active. Echaudé par l’affaire Maudet, le PLR va contrôler de près toutes les candidatures au Conseil fédéral, en exigeant «une réputation irréprochable dans la vie politique, professionnelle et privée». Echaudée par l’affaire des voyages en Russie, la gauche vaudoise veut clarifier les règles sur les cadeaux aux élus. Et le PS défend toujours une initiative sur la transparence des partis, même rejetée par le Conseil fédéral.

Quand la transparence s'impose

Est-ce cet air du temps qui l’a fait reculer? «J'étais déjà mal à l'aise avant l'émission, et le débat m'a convaincu que je faisais fausse route, confie Philippe Nantermod au téléphone. J’ai discuté avec mon assistant parlementaire, avec mes proches, et je me suis décidé […]. Des échanges rémunérés avec les assurances, c’est impossible, vu la sensibilité du dossier.» Le Valaisan en est pourtant sûr, «elles ont énormément d’informations, moi je ne peux pas calculer des primes, des franchises… Il faut rencontrer les entreprises.» Pourrait-il participer à des réunions sans être rémunéré? Cinq jours de réunion, comme il était prévu, représentent une absence d’activité d’une semaine, pendant laquelle il faut continuer de payer le loyer, le secrétariat: toutes les professions libérales savent que c’est compliqué. «Les limites du système de milice», commente un internaute.

«Il ne faut pas mélanger le problème des comportements personnels avec celui du lobbyisme et des liens d’intérêts, analyse le politologue de l’Université de Genève Pascal Sciarini, ce sont des arènes différentes. On a eu un mode de développement libéral, dans un régime de non-règles, ce n’est pas pour rien qu’on est pointé du doigt par le Greco, le groupe de lutte contre la corruption du Conseil de l’Europe. Mais il y a de plus en plus de demandes de transparence, relayées par des médias peut-être moins complaisants qu’avant, et qui participent du changement. La gauche a déposé d’innombrables motions et initiatives en particulier en matière de financement des campagnes politiques. Il est possible que la droite doive aussi faire son aggiornamento.»

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