Genève s’apprête à vivre un procès unique en son genre. Pierre Maudet et ses compagnons du voyage émirati doivent comparaître dès lundi devant le Tribunal de police pour répondre de faveurs suspectes qui transpirent le réseautage. Un rendez-vous guetté, tant cette affaire déchire la République depuis bientôt trois ans. Ce sera l’occasion d’entendre les explications du conseiller d’Etat – celles-ci ont pas mal varié au fil des révélations – et d’avoir enfin un premier jugement qui analyse le comportement attendu de la part d’un élu lorsque des cadeaux aussi importants sont susceptibles d’entacher son intégrité.

Si cette audience garde tout son intérêt, force est de constater que la pression a baissé d’un cran, notamment en raison de la démission du principal intéressé. Longtemps, Pierre Maudet a assuré qu’il mettrait fin à son mandat en cas de condamnation, faisant peser le poids de son avenir politique sur les épaules du tribunal. Tout en attribuant ainsi à la justice, et surtout au Ministère public, le rôle de principal ennemi de sa carrière, voire de seul adversaire susceptible de le faire sauter. Ce choc entre les pouvoirs s’est largement édulcoré depuis que les ennuis politiques et administratifs du ministre, exclu de son parti et privé de tout département pour cause de possible maltraitance envers ses collaborateurs, ont pris le pas sur le pénal.

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Effets incertains

Certes, ce procès reste comme un boulet au pied du magistrat qui est en campagne pour sa propre succession à l’élection complémentaire du 7 mars. Durant toute une semaine, son image sera associée à cette salle où défilent d’ordinaire les pires malandrins. Mais bien malin qui pourra prédire l’effet de ces débats ou du verdict – quel qu’il soit d’ailleurs – sur les bulletins glissés dans l’urne. Pour nombre de citoyens, les mensonges déjà admis par Pierre Maudet suffisent en eux-mêmes à rompre le nécessaire lien de confiance avec la population. Quant aux aficionados, ceux-ci semblent déjà prêts à tout lui pardonner au nom de son engagement pour le canton.

Ce contexte général, auquel s’ajoutent une certaine lassitude et bien sûr les lourdeurs de la pandémie, change la donne et le décor des débats. Un peu de calme qui fera du bien dans une affaire dont l’issue est importante à plus d’un titre. Pour les prévenus, bien sûr. Mais aussi pour le Ministère public genevois, très critiqué au parlement sur sa manière intransigeante de procéder dans les dossiers sensibles touchant à des personnalités publiques.