Les PME au centre du combat contre le changement climatique
Analyse
Pour que la réduction de la pauvreté soit durable, une action significative sur le climat est impérative. Dans cette perspective, la prospérité des PME y jouera un rôle essentiel, explique Arancha Gonzalez, directrice exécutive du Centre de Commerce International, agence de développement de l’ONU et de l’OMC

La semaine dernière, les chefs de 78 grandes entreprises ont appelé les gouvernements à prendre des engagements concrets à Paris contre la menace économique posée par le changement climatique. Selon eux, des politiques claires, visant à limiter à 2 °C l’augmentation de la température globale, pourraient stimuler des investissements en faveur de technologies à faible émission de carbone et générer à la fois de la croissance et des emplois.
Cet appui est une bonne nouvelle. Mais ce sont les micros, petites et moyennes entreprises (PME) qui représentent la vaste majorité de l’emploi dans nos économies. Pour que la réduction de la pauvreté soit durable, une action significative sur le climat est impérative. Or les PME qui assurent la création d’emplois doivent aussi pouvoir prospérer. Comment pouvons-nous les aider à s’épanouir?
Nous devons comprendre en quoi elles sont affectées par les changements climatiques. Le Centre du commerce international (ITC) y travaille. Nos analyses menées au Pérou et en Ouganda montrent que les changements de température et de pluviométrie constituent de graves menaces pour la compétitivité des exportateurs agricoles, aggravant les problèmes traditionnels telle que la volatilité des prix.
Nous devons aider les PME à se relier aux opportunités économiques, au niveau national et à l’étranger. La prospérité est un puissant mécanisme d’adaptation aux changements climatiques. L’agriculture, qui est la principale source de revenus pour la majorité des plus pauvres au monde, en est une parfaite illustration: dans les pays vulnérables, les agriculteurs relativement mieux lotis peuvent se permettre de prendre des risques et expérimenter des cultures différentes; les plus pauvres restent sans recours.
Or, dans les pays en développement, le commerce et l’investissement international demeurent des sources essentielles des opportunités économiques. Les économies ayant réussi à sortir des millions de personnes de la pauvreté ont profité des marchés internationaux ouverts pour générer une croissance rapide, en passant d‘activités de subsistance à des activités plus productives, mieux rémunérées, et moins exposées aux changements climatiques. Réduire les opportunités qu’offre le commerce pour sortir de la pauvreté, aurait pour effet de rendre les pays et leurs habitants plus vulnérables aux changements climatiques.
Alors que des politiques pour limiter les émissions de carbone risquent d’élever le coût des transports, les gouvernements et les entreprises pourraient aider les PME à réduire d’autres dépenses liées aux procédures douanières, à la logistique, la distribution, et au financement commercial. Ils pourraient également aider les PME à se conformer aux réglementations et normes privées liées aux émissions de carbone.
Ces actions pourraient relever d’un programme d’aide et d’investissement plus ambitieux, centré sur le climat, qui viserait à optimiser le potentiel du commerce à réduire la pauvreté tout en minimisant son impact sur l’environnement.
À quoi un tel programme pourrait-il ressembler? Sur les collines du plateau kényan, l’ITC, l’Agence kényane de développement théier et l’organisation à but non lucratif Partenariat Ethique du Thé aident les fermiers à modifier leurs pratiques agricoles pour faire face à l’irrégularité des précipitations et au gel, en combattant l’érosion des sols, et en conservant l’eau de pluie. Une des coopératives utilise à présent le biogaz et les écorces de riz plutôt que du bois de chauffe pour sécher les feuilles de thé, ce qui permet d’économiser de l’argent, de préserver les forêts, et de réduire les émissions de CO2. Ceci a permis d’inverser le déclin des rendements du thé, important produit d’exportation du Kenya et d’améliorer les revenus pour des milliers de petits exploitants, dont de nombreuses femmes.
De manière générale, les gouvernements et le secteur privé doivent permettre aux PME le long de la chaîne d’approvisionnement d’investir dans la réduction d’émissions et l’adaptation aux changements climatiques. Bon nombre de ces investissements engendreront des économies. Et les petits pays insulaires en développement, qui sont particulièrement vulnérables à la fois aux changements climatiques et aux effets économiques des politiques de réduction, nécessiteront une attention particulière.
Le changement climatique risque de mettre en péril les nouveaux Objectifs Mondiaux visant à éradiquer la pauvreté d’ici 2030. Un accord conclu à Paris, soutenu par une aide en matière de commerce et d’investissement centrée sur le climat, pourrait infléchir la courbe des émissions de carbone tout en générant des emplois meilleurs et plus nombreux. Ne laissons pas passer cette chance.
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