Politicienne de la sécurité, par conviction
OPINION
AbonnéOPINION. Il faut de la sécurité pour assurer la liberté, rappelle la députée PLR argovienne Maja Riniker. Il est important que les femmes prennent toute leur place dans les systèmes de défense du pays, ce qui passe peut-être par de nouvelles voies

Après une première série de débats consacrés à la justice internationale, une deuxième aux addictions; et une troisième à l'Afrique, place à la sécurité, thématique coordonnée par Noémie Roten, co-autrice de l'Initiative populaire fédérale «Pour une Suisse qui s’engage (initiative service citoyen)»
Notre dossier: Comment la sécurité doit changer au XXIe siècle
En tant que politicienne qui s’occupe de sécurité et défend l’armée, suis-je une curiosité exotique? Comment les femmes appréhendent-elles la sécurité dans notre pays?
Les questions de sécurité occupent une place très importante dans tous les secteurs de ma vie. Quand mes enfants allaient à l’école enfantine, il était important pour moi qu’ils puissent s’y rendre en sécurité: je dessinais sur la chaussée à la craie des cercles où ils devaient s’arrêter, pour traverser un carrefour en toute sécurité. La joie et le souci de trouver un emploi sûr m’ont toujours accompagnée. J’ai vécu un licenciement à la suite d’une réorganisation; avoir dû rechercher un nouvel emploi sous pression a ensuite été une phase incertaine de ma vie. Et quant à la question de vieillir en toute sécurité (je me réfère à la votation du 25 septembre 2022 sur la prévoyance vieillesse), je regarde l’avenir avec inquiétude.
Ces exemples de «sécurité» au quotidien nous pèseraient beaucoup moins si nous n’habitions pas un pays sûr. La sécurité est un mot dont nous n’avons pas assez saisi l’importance ces dernières années. Mais la situation a radicalement changé, au cours des derniers mois. En plus de nous plonger dans le désarroi, la catastrophe humaine et économique de la guerre de la Russie en Ukraine nous rappelle la valeur de la liberté et l’importance primordiale de la sécurité. Un sentiment oppressant.
Nous ne pouvons pas non plus rester les bras croisés. Nous sommes tous appelés – hommes et femmes – à en faire plus pour vivre en liberté et voir nos enfants et petits-enfants grandir en sécurité.
Cela implique forcément la protection de la population par la protection civile et l’armée dans les espaces sol, eau, cyber et air. Qu’il existe encore aujourd’hui des groupes qui souhaitent la suppression de l’armée me donne à penser. C’est le bouclier de l’armée qui assure les fondements de notre vie en liberté. Il faut pouvoir se sentir libre pour se développer.
C’est pour cette raison qu’en tant que femme et politicienne, je m’occupe de sécurité. Je défends également l’égalité des chances entre toutes les personnes de notre pays. C’est pourquoi un grand débat sur les modèles de service et sur le rôle des femmes dans la sécurité est tout simplement indispensable. Deux modèles différents sont actuellement à l’étude dans la Berne fédérale, quant à la forme que pourrait prendre à l’avenir le service pour notre pays. L’une d’entre elles, l’«obligation de servir dans la sécurité», prévoit de regrouper le service civil et la protection civile dans une nouvelle organisation. L’alimentation en personnel de la protection civile serait ainsi assurée. Comme l’armée a la priorité en matière de recrutement, cette variante devrait également permettre de lui garantir des effectifs suffisants.
La deuxième variante à l’étude est l’«obligation de servir axée sur les besoins». Celle-ci étend l’obligation de servir aux femmes. Toutefois, seul le nombre de personnes nécessaires au bon fonctionnement de l’armée et de la protection civile est recruté, soit environ la moitié des conscrits masculins et féminins. Les effectifs de l’armée et de la protection civile sont ainsi garantis, car le pool de recrutement est doublé. L’initiative populaire «Pour un service citoyen», actuellement en phase de collecte de signatures, mise précisément sur l’engagement de toutes et tous. De cette façon, le débat n’a pas lieu seulement au Palais fédéral, mais aussi dans la rue avec tous les citoyens et citoyennes. C’est cela, la démocratie vivante.
Pour renforcer la cohésion de notre pays, de nos langues et cultures, il faut que plus de femmes s’engagent dans l’armée et la protection civile. Pour que cela soit davantage possible, il faut trouver de nouvelles voies. Pourquoi l’entrée en service doit-elle se faire avant 25 ans? Je peux très bien m’imaginer qu’une femme au terme de ses études trouve un engagement utile et porteur de sens dans un secteur de la promotion de la paix. Une autre femme pourrait, après avoir terminé sa formation et passé quelques années dans le service de sauvetage, décider de rejoindre le service sanitaire de la protection civile et d’y œuvrer comme instructrice. Nous devons aussi nous demander si les cours de répétition doivent vraiment durer trois semaines. Moins longs, ils seraient plus compatibles avec le marché du travail.
Je me réjouis aussi que le Conseil fédéral soit favorable à la participation obligatoire des femmes à la journée d’information sur l’armée. Si, après cette journée, certaines femmes voient davantage de sens à faire un service, nous aurons déjà fait un grand pas.
Malgré tout, que des sondages indiquent des réticences face à l’obligation de servir pour les femmes me laisse songeuse. L’égalité devrait d’abord être réalisée dans tous les domaines. Je trouverais très dommage que la chance d’en arriver à une obligation générale de servir soit subordonnée à cette seule question. Nous devons éliminer les inégalités là où elles subsistent, dans la vie quotidienne, dans la vie tout court,
Toutes les personnes de notre pays doivent être logées à la même enseigne: engageons-nous – pour notre sécurité – pour notre Suisse – pour nos descendants. Ce principe devrait aller de soi, indépendamment du sexe.
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