Politique énergétique: pourquoi je suis optimiste
Le réchauffement du climat n’est pas contestable. L’atmosphère et les océans se sont réchauffés, les quantités de neige et de glace ont diminué et le niveau de la mer est remonté.
L’influence de l’être humain sur le climat est incontestable.
Freiner le réchauffement implique une réduction drastique et durable des émissions de gaz à effet de serre.
Pourtant, les négociations internationales sur le climat n’enregistrent aucun progrès. De nombreux Etats continuent de promouvoir les énergies fossiles et il n’existe aucune volonté réelle de prendre des mesures de réduction.
Le temps presse car nous avons déjà utilisé une grande partie de notre budget CO2 pour parvenir à limiter le réchauffement. Le temps presse car la population mondiale et le volume du commerce mondial continuent de croître.
Le passage à une économie pauvre en CO2 exige de la patience, des mesures d’incitation et des investissements dans la recherche et le développement. – Il est ainsi réjouissant de constater que la part des énergies renouvelables progresse à grands pas. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la capacité de production installée des énergies renouvelables devrait déjà dépasser en 2020 celle des énergies fossiles. Les coûts de ces énergies renouvelables continuent de baisser: on estime qu’en 2030, 5100 milliards de dollars sur un volume d’investissement de 7700 milliards iront aux énergies renouvelables. – Reste qu’il est difficile de faire des prévisions. Ainsi nous nous sommes tous trompés en ce qui concerne la pénurie d’électricité, le pic pétrolier ou les évaluations de prix. La Suisse a ainsi choisi d’avancer par étapes aussi bien dans le domaine climatique que dans celui de l’énergie. On peut réexaminer les mesures, les adapter et prendre en compte les changements.– Les plus gros potentiels de réduction des émissions de CO2 résident dans les secteurs des transports et des bâtiments d’habitation. Etant donné que la Suisse s’est fixé comme objectif d’ici à 2020 de réduire de 20% ses émissions de CO2 par rapport à 1990 et ceci au plan national, il s’agit maintenant d’encourager la rénovation des anciens bâtiments et de mettre en œuvre les normes techniques pour les automobiles et les voitures de livraison. Jusqu’à présent, le prélèvement sur les carburants d’une taxe sur le CO2 a été rejeté. Mais cette option devra être réexaminée si nous passons après 2020 d’une taxe d’encouragement à une taxe incitative.– Le programme Bâtiments est financé pour l’essentiel par l’affectation obligatoire d’une partie des recettes dégagées par la taxe sur le CO2. Cependant, le Conseil fédéral ne pourra poursuivre à l’infini dans cette voie. A terme, il faut envisager de remplacer cette subvention par une gestion basée sur des normes, soit des prescriptions de construction à l’image de ce que nous connaissons déjà pour les nouveaux bâtiments. On pourrait par exemple fixer la consommation admissible d’énergie par mètre cube, tout en laissant le libre choix quant à la source d’énergie. Dans ce domaine, l’heure est à la collaboration entre la Confédération, les cantons, le secteur de la construction et la Société suisse des ingénieurs et des architectes.
Il va de soi que la politique énergétique est étroitement liée à la politique climatique. Le monde se trouve à un tournant concernant la politique énergétique. On estime que la demande en énergie augmentera de 30% d’ici à 2035. Aux Etats-Unis, le prix du gaz a baissé de moitié et nul ne saurait prédire l’issue de cette baisse. Pour le Conseil fédéral, il est important de continuer à investir en Suisse pour éviter de devoir importer toujours plus d’électricité. De la sorte, nous renforçons simultanément notre approvisionnement et soutenons la production indigène.
La sécurité de notre approvisionnement requiert aussi d’avoir accès au marché européen. A l’heure actuelle, nous ne pouvons pas encore évaluer quelles seront les répercussions si nous nous retrouvons sans accord avec l’UE en 2015. Nous risquons cependant d’être traités comme un pays tiers, avec un accès difficile au négoce transfrontalier. En même temps, il est important que nous nous lancions maintenant dans la libéralisation totale de notre marché. Il n’est pas juste que les PME et les ménages n’aient pas la liberté de choisir leur fournisseur d’électricité. Le marché doit offrir plusieurs produits, autorisant une certaine concurrence.
L’efficience énergétique est une des clés de la Stratégie énergétique 2050. Elle réduit les coûts de l’énergie et notre dépendance envers l’étranger, tout en renforçant la compétitivité et en offrant des opportunités commerciales. En 2013, nous avons dépensé 33 milliards de francs pour l’énergie, dont presque 20 milliards pour les produits pétroliers.
Proportionnellement à la consommation totale, l’efficience doit viser les transports, les bâtiments et l’industrie. Pour y parvenir, nous disposons d’une palette d’instruments: régulation technique, normes, incitations comme celles proposées par le programme Bâtiments, principe de la mise en œuvre des meilleures technologies existantes pour les appareils, information des consommateurs et conventions sur les objectifs avec les entreprises. La loi doit définir le but, à savoir quelle sera la consommation par habitant à atteindre. L’industrie, les fournisseurs mais aussi les citoyens disposeront d’un objectif clair. Cela permettra d’évaluer les progrès, de mesurer le chemin encore à parcourir.
Dans le domaine de la production d’électricité, les énergies renouvelables vont succéder au nucléaire. En 2013, les énergies renouvelables représentaient 21,1% de la consommation d’énergie finale, contre 19,4% en 2010. La tendance à la hausse est donc avérée. Cependant, les énergies renouvelables n’interviennent que dans 18% de la production de chaleur mais à hauteur de 57% pour l’électricité. J’ai bon espoir que de nouvelles technologies, à l’image de systèmes de chauffage et de refroidissement plus performants, nous aideront à progresser. C’est une réalité: l’avenir appartient au renouvelable.
Certes, les incitations sont nécessaires. Nous augmenterons le supplément pour l’électricité d’origine renouvelable et l’assainissement des cours d’eau à 1,1 centime par kilowattheure dès 2015. Ce faisant, l’incitation «suisse» demeure très inférieure à celle accordée en Allemagne. Rappel: les gros consommateurs en sont exemptés si bien que le prix de l’électricité reste attrayant en Suisse. De plus, des coûts d’acquisition moindres permettent de compenser une RPC (rétribution à prix coûtant) plus élevée.
La plupart des pays européens appliquent la rétribution de l’injection à prix coûtant et/ou un modèle de bonus. Peu de pays connaissent le modèle des quotas. La plupart des modèles d’encouragement s’orientent vers davantage de marché et le souhait de voir du courant être injecté dans le réseau seulement lorsque cela est nécessaire. Il est aussi important de ne pas changer constamment de système. Il y va de la sécurité des investissements. Nous allons donc conserver la RPC tout en l’optimisant et en l’orientant vers davantage de marché. La commercialisation directe devrait inciter certaines installations à injecter l’énergie en tenant mieux compte des besoins. Cela renforce le rôle des solutions de stockage, qu’il s’agira de promouvoir, de même que la recherche.
En termes de coûts, les installations photovoltaïques et l’éolien se rapprochent toujours plus des technologies conventionnelles en raison des progrès techniques. Ce n’est toutefois pas le cas pour les coûts de montage ou les coûts de réseau. Cependant, j’estime qu’il sera un jour possible et judicieux de mettre un terme à l’aide étatique.
Je suis persuadée que la population et de larges pans de l’économie sont prêts à franchir le pas. En juin, 1200 demandes de soutien pour des installations d’énergies renouvelables ont été déposées: nouveau record! Les innovations se multiplient dans tous les domaines. La Suisse peut relever le défi.
Cheffe du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC)
Le temps presse car la population mondiale et le volume du commerce mondial continuent de croître
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