Pouvoirs publics, incubateurs et innovation: Genève monte en puissance
Opinion
OPINION. Genève sous-estime la valeur potentielle de sa scène d’innovation et des technologies issues du CERN, de l’Unige et de l’EPFL, mais aussi des richesses qui proviennent de ses industries, ses PME, ses start-up et de ses organismes de soutien, juge Antonio Gambardella, directeur de Fongit

Pas un jour ne se passe sans qu’un politique, un chef d’entreprise ou la presse n’évoque l’importance de l’innovation. Mais de quoi parle-t-on? L’OCDE définit l’innovation comme un processus de transformation d’une idée ou d’une invention en produits utiles et utilisés, qui génère une valeur économique et sociale. En d’autres termes, l’innovation crée de nouvelles entreprises et génère des emplois. Une start-up n’est rien d’autre qu’une structure engagée dans cette métamorphose consistant à aller d’une idée à un produit final commercialisable.
L’innovation est un travail de longue haleine. Un itinéraire qui va de la recherche fondamentale au sein des grands instituts académiques à la commercialisation, en passant par la constitution d’équipes, les levées de fonds et les défis de la gouvernance. La phase d’incubation, fondamentale, permet de doper les capacités de ces chefs d’entreprise engagés dans ce processus complexe, gourmand en ressources et expérimental. Un acteur tel que la Fondation genevoise pour l’innovation technologique (Fongit) joue, dans ce processus, un rôle de catalyseur, autant que d’accélérateur.
Les pouvoirs publics, qui soutiennent nos incubateurs, de même que les citoyens, attendent des résultats. Et se demandent s’il existe la moindre chance de voir émerger une entreprise phare, qui contribuerait à consolider la réputation de la Suisse en tant que nation d’innovation. Ces questions sont légitimes. Nos incubateurs produisent d’excellents résultats avec des entreprises solides, apportant une valeur économique durable à la société. A Genève, les 60 jeunes pousses soutenues par la Fongit emploient 250 personnes à des postes hautement qualifiés. Elles ont même levé 150 millions de francs ces quatre dernières années.
Exemples de réussite
Parmi ces start-up, plusieurs sont aujourd’hui des leaders internationaux dans leur secteur d’activité. Comme, par exemple, Selexis. Fondée à la Fongit en 2001, cette pépite est entre-temps passée de 1 à 80 employés. Elle vient d’être intégrée au sein de l’une des plus grandes entreprises biotechnologiques au monde, tout en conservant ses activités et postes de travail à Genève. Orbiwise est un autre modèle parlant. Soutenue par la Fongit, cette entreprise s’est imposée comme une référence mondiale de l’internet des objets et fournit notamment le géant indien Tata. Elle emploie 60 collaborateurs dans le monde, dont 25 à Genève.
En Suisse, l’âge moyen des entrepreneurs au moment de lancer leur start-up est proche de 40 ans
Engagement, stabilité et vision à long terme sont les ingrédients indispensables à l’émergence de l’innovation. Parce que le temps de l’innovation dépasse celui du politique, il nous faut intégrer ce long terme et nous concentrer sur le renforcement des structures existantes qui ont fait leurs preuves. En Suisse, comme dans le reste du monde, l’âge moyen des entrepreneurs au moment de lancer leur start-up est proche de 40 ans. En matière d’innovation, plus qu’ailleurs, le succès est avant tout le fruit de l’expérience… et d’échecs formateurs.
Le temps de l’innovation dépasse également celui des tendances technologiques. De même, il est inutile de se laisser aveugler par les dernières percées en la matière, tour à tour présentées comme révolutionnaires (big data, cleantech, fintech et, plus récemment, blockchain ou intelligence artificielle). Car si les buzzwords sont les révélateurs d’un potentiel technologique manifeste, seul le travail d’innovation à longue échéance permet de transformer ce potentiel en valeur économique réelle et durable.
Le hub genevois
Le concept de masse critique est lui aussi fondamental pour le développement de pôles d’innovation. Cela est d’autant plus vrai pour des hubs relativement jeunes comme celui de Genève. Aujourd’hui, le canton sous-estime encore la valeur potentielle de sa scène d’innovation et des technologies issues du CERN, de l’Unige et de l’EPFL. Mais aussi des richesses qui proviennent de ses industries, ses PME, ses start-up et de ses organismes de soutien. Notre priorité doit aller à la consolidation de cet écosystème et au développement des synergies entre des structures ayant fait leur preuve, plutôt qu’à la dispersion de nos forces dans des initiatives disparates.
Alors que Genève entame une nouvelle législature, ayons le bon sens de renforcer une politique qui a démontré son efficacité. Il nous faut garder à l’esprit que 90% des produits et des services que nous consommerons dans dix ans n’existent pas encore aujourd’hui. Il est donc important de poursuivre cet engagement en faveur des acteurs ayant fait leurs preuves dans le domaine de l’innovation. L’enjeu est simple, celui des emplois du futur.
Antonio Gambardella est directeur de la Fondation genevoise pour l'innovation technologique.
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