Revue de presse
Les milieux catholiques conservateurs voulaient continuer de mettre la pression sur la société française et les candidats à la présidentielle dans les dossiers du mariage pour tous, de la procréation médicalement assistée, de la gestation pour autrui et de la théorie du genre. Dimanche soir, le constat est quasiment unanime: c’est raté

Rien de tel, lorsqu’une manifestation qui se veut d’ampleur sociétale a lieu, que de consulter les chiffres: en l’occurrence ceux que les organisateurs annoncent, et ceux que les autorités constatent.
Pour le mouvement français «La Manif pour tous», qui descendait dimanche dans les rues de Paris, «Le Monde» nous propose mieux encore, un graphique qui détaille, manifestation après manifestation, l’écart constaté entre les chiffres des organisateurs et ceux des autorités: à mesure que le temps passe, il va croissant, toujours plus croissant.
Le noyau dur s’est mobilisé
Manière de dire combien le mouvement s’essouffle, les slogans ne font plus recette, l’hystérie retombe petit à petit. Le quotidien de référence français constate: «C’est le noyau dur des défenseurs de la famille traditionnelle qui a défilé, dimanche 16 octobre, dans les rues de Paris. La Manif pour tous a rassemblé 24 000 personnes selon la police (200 000 selon les organisateurs). Le dernier défilé, en octobre 2014, avait mobilisé près de 80 000 personnes selon la police et 530 000 selon les organisateurs.»
Conclusion: «Le pari de réunir autant ou plus de personnes, dans l’objectif de peser au maximum avant la primaire de la droite et l’élection présidentielle de 2017, n’est donc pas tenu. Indice que les grandes heures du mouvement sont passées: peu de drapeaux de soutien flottaient aux fenêtres sur le parcours de la manifestation.»
Obliger la droite à sortir du bois
Au «Figaro», dont on devine qu’il ne partage pas exactement la même approche que «Le Monde», c’est à une couverture de luxe de la manifestation que les lecteurs sont invités, avec une certaine propension à ramener l’événement dans le cadre plus restreint des primaires de la droite française. Aussi, la journaliste sous-titre-t-elle: «En défilant dimanche à Paris, les manifestants ont voulu obliger les candidats à se positionner sur la loi Taubira, la PMA et la GPA.»
Puis elle enfonce le clou: «A quelques semaines de la primaire de la droite et du centre, à sept mois de l’élection présidentielle, la Manif pour tous tenait à se faire entendre. «Une fois élus, les politiques ont vite fait de vous oublier!», sourit une grand-mère bardée d’autocollants et de fanions roses et bleus. Ils sont donc venus de toute la France, ce dimanche à Paris, pour défendre la famille traditionnelle.»
Y aurait-il, par hasard, un candidat républicain qui rallierait les suffrages de la manifestation? «Le Figaro» répond: «Si la Manif pour tous a clairement annoncé qu’elle ne soutiendrait aucun candidat, Sens Commun, son émanation au sein du parti les Républicains, a pour sa part choisi de se prononcer en faveur de François Fillon.»
Lequel s’est fendu d’un message pour dire qu’il combattrait de toute son énergie «l’aberration humaine qu’est la GPA».
L’essoufflement est évident
On a parlé d’une couverture de luxe du «Figaro», qui constate qu'«une trentaine d’élus les Républicains ont défilé ce dimanche à Paris pour protester contre la loi Taubira et ses éventuelles suites. Aucun des principaux candidats à la primaire n’était toutefois présent.» Ils concluent: «L’essoufflement est évident, (même si) les porte-flingue des candidats minimisent l’absence des ténors.»
A «France Soir», on semble s’interroger avec irritation: «GPA, PMA, théorie du genre: que veut encore la Manif pour tous?» Et cette description amusée: «La Famille, la famille, la famille. Difficile, Porte Dauphine à Paris, d’entendre une phrase qui n’y fait pas référence chez les membres de la Manif pour tous. Le mouvement né de la contestation du Mariage pour tous en 2012 y lançait ce dimanche 16 octobre sa septième manifestation nationale. Le mouvement demande toujours l’abrogation de la loi sur le Mariage pour tous. Exigence à laquelle est venue s’ajouter la contestation du recours à la procréation médicalement assistée pour les couples lesbiens (rebaptisée «PMA sans père»), de la gestation pour autrui (GPA, les mères porteuses) et de l’imposition prétendue de la théorie du genre à l’école. Autant de mesures que chercherait à imposer le gouvernement, du moins selon le mouvement. La guerre de l’information est déclarée.»
Nicolas Sarkozy trouve ce débat hystérique
A «l’Obs», on rappelle que Nicolas Sarkozy «a réaffirmé son opposition à l’abrogation de la loi Taubira.» Et on rappelle sa déclaration faite à l’émission politique «Punchline» sur C8: «Au cas où je gagnerais, nous ne changerions pas cela. J’estime que la France a bien d’autres sujets importants avec la sécurité, le terrorisme, le chômage, que de recréer les conditions d’un débat hystérisé.» Et l’on signale en passant que dans un sondage Ifop publié en septembre, «près de deux Français sur trois (62%) se disent opposés à l’abrogation de la loi Taubira et 59% favorables à l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes.» Quant à «l’idée d’autoriser la GPA aux couples gays», elle progresse lentement mais demeure minoritaire (44%) dans l’opinion.
Le glissement de société est acté
Bref, pour l’essentiel, la société française dans son ensemble a accepté le glissement de société que la loi Taubira avait, pour sa part, malgré les cris et la fureur des partisans de la Manif pour tous, actée. Dont… acte? Pas tout à fait, cependant: il est un organe de presse, en France, qui veut encore y croire: «La Croix». Qui titrait, bien seul de son espèce: «La Manif pour tous fait un retour gagnant.» Car même «Famille Chrétienne» se faisait plus précautionneuse: «La Manif pour tous maintient la pression.»
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