Prévoyance 2020: l’été avant l’orage
Ma semaine suisse
La campagne sera féroce en vue de la votation du 24 septembre sur le projet de Prévoyance 2020 du Conseil fédéral, souligne notre chroniqueur Yves Petignat. Car il s’agit d’une lutte pour le pouvoir

Voici juillet. Le mois des révolutions et des confitures, nous disent les vieux almanachs. Jusqu’ici, la Suisse a produit plus de confiture que de révolutions. C’est parce qu’en juillet, l’homme et la femme politiques se mettent en chaussettes dans leurs claquettes et disparaissent dans la foule des touristes sur le quai du Mont-Blanc. Avant de ranger dans sa valise Un été avec Machiavel de Patrick Boucheron, aux côtés de ses bermudas army-sporty, l’Homo politicus helveticus prend soin de faire de l’ordre sur son bureau. Il se délivre des dernières tâches oubliées sur sa liste.
L’agencement de la mésentente
C’est ce qui nous a valu les solides attaques de ces derniers jours contre le projet de Prévoyance 2020 du Conseil fédéral et des Chambres de la part de la présidente du PLR Petra Gössi et du conseiller national UDC Thomas de Courten. Et c’est pourquoi le ministre des Affaires sociales Alain Berset s’est livré à une défense en règle de son grand projet de réforme. Chacun a piqueté le terrain sur lequel on s’affrontera à la rentrée. La campagne sera féroce en vue de la votation du 24 septembre. C’est la leçon que les hommes et femmes politiques pourront méditer au bord des piscines en ressortant Patrick Boucheron de leur valise: la république n’est pas harmonieuse. Ce n’est pas le consensus mouvant et slictueux du sable des plages. «Elle est fondée sur la discorde, elle est l’agencement pacifique – parce qu’équilibré – de la mésentente.» Et question mésentente, nous allons être servis. Car au prétexte de la Prévoyance 2020, ce qui se joue dans le bras de fer entre la droite UDC-PLR et le centre gauche PDC-PS-Verts, c’est le rapport de force entre deux conceptions de l’Etat. Une lutte pour le pouvoir. Donc sans concessions. Au point que l’enjeu primordial, l’avenir de l’institution fondamentale qu’est l’AVS, est en train de passer au second plan.
Il s’agit pour les libéraux-radicaux de renouer avec le caractère historique de leur parti comme pilier de l’Etat
Une lutte qui se joue sur deux terrains, entre droite et gauche mais aussi au sein de la droite et de la gauche. Depuis le durcissement des fronts au Conseil national, le Parti socialiste doit impérativement marquer les limites de son pouvoir au bloc libéral-conservateur renforcé par les élections de 2015. Un bloc qui tente de se soustraire aux compromis traditionnels pour imposer sa vision libérale de l’Etat. Le PS ne peut donc s’autoriser aucune faiblesse sur la question clé des retraites. PLR et UDC, de leur côté, ont une revanche à prendre après l’échec devant le peuple de la réforme de l’imposition des entreprises (RIE III). C’est aussi au sein des blocs de gauche et de droite que PLR et PS entendent imposer leur leadership respectif. Il s’agit pour les libéraux-radicaux de renouer avec le caractère historique de leur parti comme pilier de l’Etat, tout en disputant à l’UDC l’exclusivité de sa position de parti populaire.
Des tartes et des orages
De son côté, le PS doit défendre, surtout en Suisse romande, sa prééminence sur les questions sociales face à une partie du mouvement syndical et à une gauche radicale trop heureuse de jouer les Mélenchon. Démontrer que la voie réformiste, malgré d’inévitables concessions au centre démocrate-chrétien, est la seule à assurer le maintien des acquis sociaux. Et que la politique d’opposition systématique préconisée par les plus radicaux des militants syndicaux ou la gauche anticapitaliste ne débouche, selon Christian Levrat, que sur «une violence rhétorique stérile», sans solution pour les salariés. Voilà pourquoi, si juillet est le mois des révolutions et des confitures, août sera celui des tartes et des orages.
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