D’Obama à Trump
Pour ceux qui pensent que le tournant de la guerre en Syrie se situe à l’été 2013, lorsque Barack Obama, qui avait tracé une même ligne rouge, préféra miser sur un accord négocié avec les Russes pour éliminer les stocks d’armes chimiques syriens sous supervision internationale plutôt que de bombarder les sites de production, il y a là matière à réflexion. Si la méthode Obama a échoué, puisque, en définitive, Damas est parvenu à cacher ou à produire de nouvelles armes chimiques après le départ des agents de l’OIAC, la méthode Trump/Macron n’est pas plus conclusive.
La vérité est que, en 2018 comme en 2013, ni les Etats-Unis ni les Européens ne sont prêts à s’engager dans une guerre contre le pouvoir syrien
On dira que le contexte est différent: en 2013, le régime de Bachar el-Assad semblait à bout de souffle, une intervention aurait pu le mettre à bas. Il est aujourd’hui regonflé à bloc grâce au sauvetage opéré par Moscou en 2015 et à l’aide iranienne apportée depuis le début du soulèvement populaire de 2011. On peut aussi penser que des frappes en 2013 auraient, au contraire, provoqué un sursaut national des soutiens de Bachar el-Assad face à l’agression étrangère et une intervention anticipée des Russes, qui dès 2012 martelaient qu’ils ne toléreraient pas un changement de régime.
La vérité est que, en 2018 comme en 2013, ni les Etats-Unis ni les Européens ne sont prêts à s’engager dans une guerre contre le pouvoir syrien car ils n’y voient pas d’intérêt vital à le faire. S’ils ont dû se résoudre en fin de compte à intervenir un temps, c’était pour combattre une organisation terroriste qui menaçait leur territoire depuis ses bases syriennes et irakiennes.
L’accord iranien
Faire respecter une ligne rouge au nom du droit international mais sans consensus international ou au nom de la morale mais sans stratégie militaire pour véritablement désarmer le fauteur de troubles se révèle ainsi impossible. A Washington, la «leçon» de ces frappes a aussitôt été reléguée par les accusations portées contre Trump par l’ancien patron du FBI sur son incapacité morale à assumer sa fonction. En France, les parlementaires se sont déchirés sur la légalité d’une telle intervention alors qu’ils n’avaient de toute façon plus rien à décider. A Londres, contrairement à 2013, c’était presque l’unanimité parlementaire pour valider des frappes qui faisaient écho aux sanctions contre la Russie accusée d’être à l’origine de l’empoisonnement des Skripal. Le peuple syrien est une fois de plus oublié.
Cette semaine, Emmanuel Macron et Angela Merkel se rendront à Washington. Pour les Européens, il y a beaucoup de nouveaux fronts ouverts avec les Etats-Unis: commerce, climat, sécurité d’internet. Ils pourraient aussi tracer une ligne rouge: ne pas remettre en question l’accord nucléaire iranien. Dans ce cas-là, il y a une quasi-unanimité pour respecter un engagement forgé par la communauté internationale.