Procréer, c’est polluer?
Climat
Un rapport republié par l’agence de presse AFP a fait resurgir la proposition de ne pas faire d’enfants pour protéger l’environnement. Bien que les réactions soient violentes, il existe bien des mouvements qui appliquent ce principe

L’idée n’est pas nouvelle, mais comme l’hiver elle finit toujours pas revenir. Lundi, le monde entier découvre le dernier rapport alarmiste du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Pendant ce temps, l’AFP publie sur son compte Twitter une infographie explicite sous le titre «Quelques moyens pour réduire son empreinte carbone». Le plus efficace, selon cette étude, serait d’avoir un enfant en moins.
Quelques moyens pour réduire son empreinte carbone #AFP pic.twitter.com/QcFw0waCUG
— Agence France-Presse (@afpfr) 8 octobre 2018
On apprend donc, d’un côté, les conséquences irréversibles que pourrait avoir un réchauffement planétaire de 1,5 °C d’ici à la fin du siècle. On lit aussi les paroles d’experts, comme celles, citées dans nos pages, de Jennifer Morgan, de Greenpeace International, qui affirme: «Le rapport du GIEC constitue un plan de sauvetage pour l’humanité.»
Lire aussi: Une planète bouleversée déjà avec 1,5 °C de réchauffement
On est aussi rassuré. Certains spécialistes déclarent que des solutions existent, mais qu’il faut les accélérer. Ceux-ci évoquent des économies d’énergie, un recours accru aux énergies renouvelables et des changements économiques et sociétaux favorisant des modes de vie «bas carbone».
De son côté, l’AFP met en lumière d’autres options. Changer ses ampoules, c’est pas mal. Renoncer à un vol transatlantique aller-retour, c’est mieux. Mais «avoir un enfant en moins», c’est idéal, car cela permettrait de diminuer les émissions mondiales de CO2 de 59 tonnes par an.
Une variable parmi d’autres
Evidemment, l’annonce fait bondir les internautes. Certains s’indignent: «Hey ho, c’est pas à nous européens, qui plafonnons à peine au niveau du seuil du renouvellement, qu’il faut le dire!» D’autres s’inquiètent: «Dangereuse pente qui fait de la vie humaine une variable parmi d’autres.» Alors qu’un troisième, pragmatique, s’interroge: «Etre un tueur en série, ça réduit de combien l’empreinte carbone?»
Inondée de commentaires revendicateurs, l’AFP se défend. Elle ne fait que relayer une étude suédoise publiée en 2017 dans Environmental Research Letters. «On a jugé que c’était une publication sérieuse», explique Grégoire Lemarchand, rédacteur en chef adjoint de l’AFP en charge des réseaux sociaux.
Comme vous l'aurez compris, l'AFP ne vous invite pas à faire moins d'enfants. Cette infographie, qui vous fait beaucoup réagir, est tirée de cette étude parue en 2017 dans la revue Environmental Research Letters (voir page 5) https://t.co/BMt9YCUgdL https://t.co/2C2A5fIEeY
— Agence France-Presse (@afpfr) 8 octobre 2018
Contrôler la démographie pour réduire les dommages à l’environnement: l’idée n’est pas nouvelle. On pense à l’économiste britannique Thomas Malthus, on pense à l’initiative Ecopop. Le premier est mort, la seconde a échoué.
Un geste militant
Mais le concept demeure. Ceux qui le font subsister ont un argument choc: l’ONU estime à 9,8 milliards le nombre d’êtres humains présents sur Terre en 2050.
Ne pas faire d’enfants se révèle, de l’avis de certains, un geste militant. «Je considère qu’il y a trop d’êtres humains sur Terre. La solution pour l’environnement serait donc de diminuer drastiquement le nombre d’habitants […] De plus, je ne trouve pas que notre époque soit propice à la vie», affirmait en 2017 la youtoubeuse Antastesia dans une vidéo vue 225 222 fois.
Adopter plutôt que de procréer
Aux Etats-Unis, les femmes qui ne veulent pas d’enfants pour des raisons écologiques s’appellent Ginks, pour «Green Inclination, No Kids». Avec leur slogan «Si tu aimes tes enfants, ne les mets pas au monde, c’est une poubelle», le groupe propose d’adopter plutôt que de procréer. «Le meilleur moyen de venir à bout du problème du réchauffement climatique serait de réduire la population mondiale de 500 millions de personnes d’ici à 2050», avance Lisa Hymas, l’auteure du manifeste de cet ensemble.
Ces théories sont-elles fondées? Sur la RTS ce mercredi, Martine Rebetez, géographe et professeur de climatologie à l’Université de Neuchâtel et à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage, souligne: «Ne pas faire d’enfants n’est pas la solution dans un pays comme la Suisse où il n’y a pas d’explosion démographique. A mon sens, il vaut mieux que les gens soient heureux en ayant le nombre d’enfants qu’ils souhaitent pour arriver à être plus sobres dans leur manière de vivre.»
«Trop tard, répond @SeriousCharly sur Twitter. J’ai jeté Timéo à la poubelle ce matin.»
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