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OPINION. Tous les jours, vous pouvez sur une pleine page lire des analyses de spécialistes ou de personnalités qui ne font pas partie du «Temps», et qui enrichissent notre offre éditoriale. Mais comment ces textes sont-ils choisis?

«Votre prédécesseur me publiait une à deux fois par an, j’espère que vous continuerez.» «Mon collègue XX s’est exprimé dans vos colonnes sur ce sujet mais il se trompe et je voudrais lui donner la réplique.» «Sur ce sujet très concernant, je demande à exercer mon droit de réponse.»
Ces injonctions, reproches ou demandes sont réellement arrivés récemment dans la boîte e-mail Opinions@letemps.ch du Temps, en compagnie de beaucoup d’autres. Une trentaine de messages tentent habituellement de se frayer un passage jusqu’aux pages Débats du Temps toutes les semaines, la quantité augmentant nettement en période de pré-votations. Quand les sujets touchent de près à la sphère intime, comme celui sur l’AVS 21 ou celui sur l’élevage intensif, le ton a pu être ému, revendicatif, insistant. Pour parler de la crise énergétique, du climat, de la guerre en Ukraine, il l’est presque toujours. Comment choisissons-nous les tribunes publiées?
Pas par obligation mais par choix
Les rubriques Débats et Opinions font partie de l’identité profonde de la presse – lointain souvenir du temps où les journaux étaient principalement un vecteur d’opinion, presse conservatrice ou de gauche, porte-voix de politiques en quête de relais populaires. Aujourd’hui encore, on lit le New York Times autant pour ses articles de fond que pour ses «Op-Ed» – Op pour opposite et non pas opinion, comme on pourrait croire: «page opposite the editorial page», car à l’origine la page des opinions invitées faisait face à celle de l’éditorial maison. Ces tribunes sont écrites par des personnalités extérieures au titre, même si elles y ont parfois leur rond de serviette. Autre exemple, au Figaro, la rubrique VOX a contribué à rajeunir et dynamiser la rubrique Débats et opinions, en accueillant des plumes souvent plus à droite que le quotidien lui-même, et qui créent la polémique autant que la conversation.
Au Temps, nous essayons de publier des textes variés, sur des sujets d’intérêt général, de divers endroits de l’échiquier politique en gardant le pluralisme à l’esprit – la rédaction en chef communique ailleurs ses propres choix, notamment dans les éditoriaux. Cette volonté d’ouvrir le débat n’est pas une obligation mais un choix, un objectif, et nous ne sommes pas tenus à un équilibre des positions comme l’est un média de service public. Nous publions aussi des textes d’universitaires qui apportent des éclairages inédits, de personnalités dont la prise de position donne à penser, ou de professionnels du terrain dont l’expérience peut enrichir notre vision de la société. Parfois, c'est nous qui les sollicitons.
Le choix n'est pas simple
Le Temps publie dans ses pages en moyenne une quinzaine de textes d’opinion chaque semaine, sans compter les productions de nos chroniqueurs réguliers – anciens diplomates ou journalistes, économistes, observateurs aguerris à la vie politique ou des affaires. Sur notre site web, ce peut être plus, même si les signataires tiennent énormément à être publiés sur le papier: même en 2022, rares sont ceux qui se satisfont d’une publication uniquement en ligne… Le choix n’est pas simple. Pour les sujets où nous visons particulièrement l’équilibre, nous tenons une petite comptabilité, pour garder le cap. Ensuite, il y a des tribunes mal écrites mais au sujet intéressant, et l’inverse. Des textes trop longs: «Vous m’avez dit 4000 signes mais j’ai quand même écrit 6000, c’est possible?» Mais aussi des textes qui interpellent, qui rappellent une réalité oubliée, qui proposent une nouvelle vision de certaines situations. Une variété de contributions qui font, nous espérons, l’intérêt de nos pages.
Nous avions fait un pointage en 2018, les femmes étaient très minoritaires – elles le sont encore. «Nous sommes toujours moins payées que les hommes, nous travaillons plus qu’eux à la maison ou avec les enfants et vous voudriez encore que nous écrivions pour vous gratuitement?» s’était offusquée une participante lors d’un déjeuner organisé pour tenter de convaincre plus de femmes d’écrire. La remarque était justifiée. Il n’empêche, nous avons toujours besoin de nouvelles plumes, de nouveaux regards de personnes qui ne prennent pas assez la parole – notamment des jeunes, des femmes, mais pas seulement. Dans le domaine de la culture, du social, de l’école, dans des endroits de la société où nous allons trop peu. Une société a besoin d'avis légitimes, assumés et divers, pour avancer.
Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.