Queens et Claudettes, sœurs de combat?
Contretemps
A priori incongrue, la comparaison entres les danseuses nigérianes et franco-américaines n’est finalement pas si anodine que cela

Alors que je parlais à l’un de mes collègues des Queens de Fela Kuti, il me dit: «Tiens c’est marrant, leur histoire me fait penser aux Claudettes!» Décontenancée, je jugeais d’abord la comparaison incongrue. Ma curiosité titillée et les moteurs de recherche aidant, je me suis mise à comparer les trajectoires respectives des unes et des autres. Ces deux ensembles de femmes apparaissent à la même période, au tournant des années 1970. Leur nombre n’est pas clairement défini: environ 30 pour les Claudettes et beaucoup plus pour les Queens. On a vaguement retenu le nom des quatre premières Claudettes: Cynthia Rhodes, Pat Kerr Milicent, Siska et Solange Fitoussi. Et seules les 15 Queens interviewées par Carlos Moore dans son livre Fela, Fela. Cette putain de vie sont clairement identifiées. Danseuses et chanteuses de leur état, elles entretiennent des relations sexuelles avec Fela et ont affirmé recevoir de sa part des «punitions» sous forme de claques et gifles. Claude François a la réputation de coucher avec ses danseuses et de les frapper.
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Enfin les Claudettes comme les Queens sont pour beaucoup dans la renommée de leur «patron» respectif. Très actives sur scène, elles n’étaient pas là pour faire tapisserie. Qui n’a pas en tête la vidéo d’Alexandrie Alexandra avec ses quatre danseuses en justaucorps pailletés et aux chorégraphies sportives? Qui ne pense pas aux visages peints des Queens et à leurs danses suggestives lorsqu’il se remémore un concert de Fela?
Influence américaine
Comment donc ces deux formations posées, chacune, sur un continent et aux esthétiques si différentes font-elles pour partager tant de points communs? Il est peu probable que Fela, qui commence à travailler avec ses Queens en 1970 ait connu les Claudettes, alors en activité depuis quatre ans. Le trait d’union – en ce qui concerne la performance scénique du moins – vient sans doute des Etats-Unis. En 1965, lors d’un déplacement à Las Vegas, Claude François découvre les shows à l’américaine et en ressort ébloui. Pour ces premières chorégraphies, il se serait inspiré d’Ike & Tina Turner et des Ikettes, comme de Ray Charles et ses Raelettes. De son côté, Fela met en place son big band avec chanteuses et danseuses à son retour des Etats-Unis. Il est lui aussi inspiré par les formations de soul et de jazz de l’époque.
Plus d’un demi-siècle après leurs débuts, les Claudettes ont, elles, droit à une entrée Wikipédia. A quand celle consacrée aux Queens?
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