Les électeurs français de droite peuvent encore se raccrocher à la violente campagne antimédias distillée par François Fillon. S’ils suivent le candidat sur ce terrain, tout reste simple. L’ancien premier ministre (2007-2012), auréolé de sa nette victoire à la primaire de novembre 2016 face à Nicolas Sarkozy puis Alain Juppé, est une victime d’un système qui ne l’a jamais accepté.

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Lui, le provincial taiseux et ombrageux, longtemps cantonné dans un rôle de fidèle second, est cloué au pilori parce qu’il dérange. Trop catholique. Trop libéral. Trop lucide sur l’état de la France qu’il fut l’un des premiers à déclarer publiquement «en faillite». Trop tôt jugé favori pour l’accession à l’Elysée. C’est évidemment cette thèse que les fillonistes espèrent voir triompher, à l’issue des «deux prochaines semaines» durant lesquelles le candidat leur a demandé de patienter…

Le problème est que ce scénario ne correspond pas à la réalité. Dans tous les cas de figure – y compris si l’enquête préliminaire pour «détournement de fonds publics et recel» (étendue jeudi à ses enfants) ne débouche pas sur la saisine d’un juge d’instruction – la candidature Fillon restera menacée de déraillement.

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L’élu, d’abord, ne pourra plus porter son message de rigueur, de coupes budgétaires drastiques et de cure d’amaigrissement de la sécurité sociale sans se voir aussitôt mis en cause pour les rémunérations accordées dans le passé à sa famille sur ses fonds parlementaires. L’homme, ensuite, aura la plus grande peine à inspirer la confiance au-delà du cercle de ses partisans. Sa vulnérabilité réveille les rivalités dans son propre camp. Sa communication bancale et ses réponses évasives fissurent sa posture de candidat de la vérité et du courage. L’ombre du «Fillongate» demeurera tenace.

Restent, dès lors, deux options toutes aussi périlleuses. La première, celle sur laquelle mise François Fillon, est de faire preuve de patience en misant sur l’usure médiatique et la capacité du camp conservateur à se mobiliser malgré tout, pour renouer avec l’exercice du pouvoir après cinq ans de quinquennat Hollande. La seconde, au risque de fracasser la dynamique de l’alternance, est d’enclencher la procédure pour choisir un autre candidat, au risque de réveiller la guerre des chefs.

Les deux scénarios sont angoissants pour une droite française qui se croyait, jusqu’aux révélations du Canard enchaîné, aux portes de l’Elysée. Pire: ils pourraient bien être fatals, vu le Front national en embuscade, au salutaire débat droite-gauche sur l’état de la France. Les quinze jours prochains ne seront pas seulement les plus longs pour François Fillon.

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