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Réductions des émissions et captation du carbone doivent aller de pair

OPINION. La captation du carbone est une solution qui marche et doit être développée et financée, argumente le directeur du suisse Climeworks, mais on ne fera pas l’économie d’une réduction drastique des émissions

Une installation de Climeworks pour capturer le CO2 dans l'air, dans une usine d'incinération. Hinwil (ZU), juillet 2017.   — © ARND WIEGMANN / REUTERS
Une installation de Climeworks pour capturer le CO2 dans l'air, dans une usine d'incinération. Hinwil (ZU), juillet 2017. — © ARND WIEGMANN / REUTERS

Ce texte fait partie d'une semaine spéciale de débats consacrés aux défis économiques de la crise climatique.

Le dernier rapport du GIEC est sans équivoque: ni les réductions d’émissions, ni l’élimination du carbone atmosphérique ne permettront, à elles seules, de limiter le réchauffement planétaire sous le seuil de 1,5°C. En revanche, le groupe de scientifiques a fait savoir que la combinaison de ces deux approches nous donnait de grandes chances de respecter l’Accord de Paris. D’ici au milieu du siècle, nous devrons d’abord réduire nos émissions annuelles au plus proche de zéro et retirer chaque année de 3 à 12 milliards de tonnes de CO2 de l’atmosphère.

Certes, il s’agit probablement là du plus grand défi auquel ait été confrontée l’humanité dans son histoire. Mais il existe aujourd’hui une myriade de solutions pour y parvenir. Et il ne fait plus aucun doute que la capture atmosphérique du CO2 en est une.

Depuis plus de dix ans, Climeworks développe une solution de capture directe dans l’atmosphère du dioxyde de carbone. Nos collecteurs de CO2 modulaires, alimentés exclusivement par des énergies renouvelables, permettent de capturer le CO2 afin de le stocker durablement. En effet, au contact de roches volcaniques, telles que le basalte, le dioxyde de carbone reprend sa forme rocheuse: un phénomène naturel, aussi connu sous le nom de minéralisation, que nous effectuons en Islande grâce à notre partenaire Carbfix. Cette technique dite de capture directe dans l’atmosphère du CO2 couplée à la minéralisation présente un certain nombre d’avantages parmi lesquels son additionnalité, sa mesurabilité, sa capacité de déploiement et son caractère permanent.

Avec plus de 100 000 heures d’expériences opérationnelles sur nos différentes installations, nous avons acquis un savoir précieux sur ces technologies, leur capacité mais aussi leurs limites. En septembre 2021, nous avons ouvert la première installation de capture et stockage permanent de CO2 au monde, d’une capacité nominale de 4000 tonnes par an. Baptisée Orca, elle nous permet aujourd’hui d’affirmer que le développement de cette technologie à beaucoup plus grande échelle est possible. Nous avons d’ores et déjà lancé la construction de Mammoth, dont la capacité nominale sera 9 fois supérieure, atteignant jusqu’à 36 000 tonnes par an. Ces déploiements sont des étapes essentielles sur la route qui nous mènera vers des capacités de plusieurs millions de tonnes d’ici à 2030 et jusqu’à un milliard d’ici à 2050.

Lire aussi: Climeworks, la start-up zurichoise qui piège le CO₂ en Islande

Afin d’atteindre ces échelles, il nous faut accélérer dans la création d’une filière industrielle. Il appartient désormais à tous les acteurs de s’emparer du sujet: des politiques publiques d’investissement ambitieuses doivent être mises en place – le récent plan de l’administration Biden, qui y consacre plusieurs milliards de dollars, en est un exemple concret. L’émergence d’une demande soutenue de la part des entreprises sera également nécessaire. Nous travaillons aujourd’hui avec des centaines d’organisations pionnières afin de les accompagner dans leur stratégie de réduction d’émissions, mais il en faudra encore beaucoup d’autres. Le monde académique doit également dès à présent former les talents de demain et encourager la recherche dans ce domaine. En somme, le secteur doit connaître un essor colossal dans la décennie à venir, semblable à celui qu’a connu l’énergie solaire lors de la décennie passée.

Si la capture directe dans l’atmosphère devrait contribuer de manière significative à limiter le réchauffement, il est évident que cette solution ne peut répondre seule au défi du changement climatique. D’abord, elle doit nécessairement s’accompagner d’une réduction drastique de nos émissions – de l’ordre de 90% - notamment grâce au remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables. Mais elle doit également être déployée en parallèle à d’autres solutions, basées sur des procédés technologiques ou naturels. L’afforestation, les pratiques agricoles augmentant la capacité des sols à stocker le carbone, la restauration d’écosystèmes marins sont des méthodes tout aussi nécessaires.

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Depuis trop longtemps, on oppose les solutions technologiques aux solutions naturelles. C’est un piège qu’il nous faut impérativement dépasser si l’on veut relever le défi colossal auquel nous faisons face. La capture directe du CO2 est une réalité qu’il est nécessaire de déployer à grande échelle. Attendre est un luxe que nous n’avons plus.