La Suisse horlogère a un problème: les exportations de montres diminuent de mois en mois. Il n’y aurait pas d’explication claire, selon certains. Les horlogers ont toujours connu des crises et ils savent les traverser. C’est vrai. La situation n’en devient pas moins grave.

Les chiffres, d’abord. A la fin de 2019, les marques horlogères suisses auront envoyé 20,7 millions de montres dans le monde. C’est 3 millions de moins que l’année dernière. Et 8 millions de moins qu’en 2014, lorsqu’on commençait tout juste à parler de montres connectées. Accueillies avec mépris en Suisse, ces dernières ne sont pas les seules coupables de ce recul mais y contribuent largement.

En 2019, 66 millions de ces smartwatches, essentiellement étrangères, devraient s’être attachées à de nouveaux poignets. Un chiffre que les spécialistes voient doubler dans les prochaines années. Leader incontestable de ce segment: Apple. Qui ne se contente plus de croquer des parts de marché mais en engloutit.

Il y a cinq ans, Apple ne livrait pas une seule montre. Il en vendra quasiment 30 millions cette année. Dit simplement: la pomme américaine vend désormais davantage de montres que l’ensemble des marques suisses. Symboliquement, c’est impressionnant. Concrètement, est-ce grave? Les plus optimistes répondent que non et brandissent d’autres statistiques, telles que la hausse de l’emploi ou de la valeur à l’exportation.

Rôle des volumes mésestimé

Insuffisant! Dans un pays où il est admis que le taux de chômage est un indicateur imparfait (à cause des contrats temporaires ou du travail à temps partiel), on peut interpréter cette progression du nombre de collaborateurs avec un certain scepticisme. Surtout quand les échos que l’on entend chez les cols-bleus des Montagnes neuchâteloises sont si alarmistes.

Et certes, en milliards de francs, les exportations progressent – on vend moins de montres, mais elles valent plus cher. Pour une poignée d’entreprises totalement intégrées verticalement, c’est une bonne nouvelle. Pour l’ensemble de la base industrielle du pays et la myriade de petites marques disséminées dans nos régions, c’est terriblement inquiétant.

Car n’oublions pas le rôle mésestimé des volumes dans la chaîne de valeur horlogère. N’importe quel sous-traitant vous le confirmera: pour garantir l’emploi, rester flexible et amortir ses investissements, il vaut mieux fabriquer 1000 pièces à 10 francs que 10 pièces à 1000 francs. Ce sont ces millions de montres d’entrée de gamme qui font tourner les machines, créent du travail et génèrent de l’innovation.

On l’a dit: après la «crise du quartz» il y a quarante ans, les horlogers ont prouvé qu’ils savaient redresser la tête et se montrer ingénieux quand il le fallait. Ce serait le moment de retrouver la recette.

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