La revanche du lobbyiste
Révolution de Palais
Chaque mardi, le conseiller national PLR vaudois, Fathi Derder, décrypte la campagne, vue du Palais fédéral avec les élus sortants
Révolution de Palais
La revanche du lobbyiste
Chaque mardi,le conseiller national PLR vaudois décrypte la campagne, vue du Palais fédéral avec les élus sortants
«Allô? Vous n’aimez pas les animaux! Pourquoi?» Mercredi 2 septembre 2015, à 16h31, une journaliste m’apprend que je n’aime pas les animaux, car un «collectif d’amis des bêtes» le révèle sur Internet. Surpris, je tente de me défendre. De parler de Tom, le chien de mon enfance. Mais rien n’y fait, le «collectif» a tranché: je n’aime pas les animaux, et le lendemain c’est dans le journal. Le choc est rude.
Mon lapin est effondré. Lui qui m’a vu, toutes ces années, me battre pour ses droits. Lui qui, il y a deux jours encore, me parlait, ému, de ma victoire héroïque pour sa dignité, quand j’avais terrassé une élue qui voulait lui imposer des combats sanglants contre des congénères enragés. Car oui, Madame, je me suis battu pour le droit au célibat des lapins. Et je l’ai obtenu. Une victoire politique que l’Histoire retiendra.
Un choc, je vous dis. En général, j’aime bien les lobbyistes. Ils nous distraient dans les couloirs du Palais. Entre deux votes, on fait causette, on boit des coups. Mais pendant la campagne, ils deviennent incontrôlables. L’élu est affaibli, ils reprennent le pouvoir. Pendant quatre ans, les lobbies ont fait la manche. Aujourd’hui, c’est la revanche. Les candidats sortants sont bombardés de questionnaires inquisitoires de tous bords: les botanistes, les automobilistes, les droits-de-l’hommistes, les LGBTistes, les atomistes ou les anti-OGMistes. Bientôt les naturistes. En dix lignes, les lobbies des armes, de la nature, des animaux ou de la bagnole vous donnent une minute, 12 questions et trois votes pour prouver que vous êtes leur candidat. Sur le mode «si t’es cool, on vote pour toi, sinon, on balance».
J’ai tout balancé… à la poubelle. Y compris les animaux. Et du coup, ils m’ont balancé. Quand vous êtes en campagne, si vous ne répondez pas aux questions de l’association «Stop à la baffe», c’est que vous battez vos enfants. Ou votre lapin. C’est décidé, dorénavant, je vais répondre à tout le monde. Et surtout être d’accord avec tout le monde. De toute manière, je ne vais pas convaincre Amnesty de rétablir la peine de mort. Autant gagner des voix, et faire quelques concessions.
Voici donc mon nouveau programme, ma vision pour les infrastructures: des lapins pacifistes, armés jusqu’aux dents, roulant à 150 km/h sur six voies (en herbe) dans des voitures hybrides tractées par des chèvres transsexuelles. Et, en prévention des milieux de la prévention, un dernier pour la route: du LSD pour tous.
Je crois que je tiens un truc, là. Je vais en parler à mon lapin… quand il aura le droit de vote.
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