Revoter à Moutier, et vite
ÉDITORIAL. Moutier ne peut pas se permettre des années de procédures juridiques pour trancher enfin la question de son appartenance cantonale. Seul un nouveau scrutin, régulier et accepté par tous, sortira la ville de l’impasse

Le vote historique de Moutier du 18 juin 2017 devait permettre d’apposer un point final à la Question jurassienne. Force est de constater qu’il n’a fait que la relancer. Après dix-sept longs mois d’une procédure exceptionnelle, la décision de la préfecture du Jura bernois d’annuler le scrutin est un séisme politique. Elle rouvre les plaies qu’on pensait refermées. «Nous entrons de nouveau en lutte!» n’a ainsi pas hésité à lancer Valentin Zuber, l’un des nouveaux visages du mouvement autonomiste, brandissant même le spectre d’une deuxième affaire Moeckli.
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Le 9 septembre 1947, le Grand Conseil bernois refusait ainsi que le conseiller d’Etat francophone Georges Moeckli ne reprenne la direction des Travaux publics au seul motif qu’il parlait mal l’allemand. Une humiliation pour les Jurassiens et un événement considéré aujourd’hui comme un acte fondateur du mouvement autonomiste.
On ne revivra certes pas les «années de braise» que les plus jeunes ne connaissent qu’à travers les manuels d’histoire, mais le malaise à Moutier est profond. Les deux camps se regardent en chiens de faïence. La confiance dans les institutions est en miettes. Submergé par sa fibre autonomiste durant la campagne, le maire de Moutier Marcel Winistoerfer a perdu toute crédibilité aux yeux des anti-séparatistes. De son côté, la préfète Stéphanie Niederhauser, liée administrativement au gouvernement bernois, n’est perçue par les autonomistes que comme le bras armé des «baillis» de l’ancien canton.
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Plébiscite déguisé
Toutes ces tensions pourraient éclater rapidement, le 25 novembre déjà, où, hasard du calendrier, se joueront les élections communales. Le duel pour la mairie entre l’actuel maire PDC, Marcel Winistoerfer, et le président de l’UDC du Jura bernois, Patrick Tobler, fer de lance des pro-Bernois, pourrait se transformer en un plébiscite déguisé sur le transfert de Moutier. Il est donc grand temps que la question de la régularité du vote puisse être tranchée par la justice au plus haut niveau, soit le Tribunal fédéral, à Lausanne, hors des passions identitaires.
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Une telle procédure juridique promet néanmoins d’être très longue. Son issue demeure incertaine. Et elle risque de paralyser de nombreux dossiers cruciaux pour l’avenir de la commune, comme celui de l’hôpital, premier employeur de la ville, tout en renforçant l’hostilité ambiante. Le conflit ne pourra se résoudre dans une telle atmosphère lancinante de soupçon. La réconciliation ne passera peut-être que par un nouveau vote, sans attendre, à l’issue duquel chaque partie sera convaincue de la légitimité du résultat.