Dévoilé aux yeux du monde effaré il y a une semaine à Londres, Avatar: la voie de l’eau, signé James Cameron, débarque donc ce mercredi 14 décembre dans les salles «avec une triple ambition», selon l’Agence télégraphique suisse: «Surpasser le premier opus, plus gros succès de l’histoire du box-office mondial, démentir la mort du cinéma en salles, et faire naître une saga aussi mythique que Star Wars.» Rien de moins que ça.

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«Treize ans après Avatar, qui approche les trois milliards d’euros de recettes mondiales» et réputé pour avoir été le film le plus rentable de tous les temps avant de se faire dépasser par les blockbusters de Marvel en 2019, «ce deuxième film reprend le chemin de l’astre Pandora, à des années-lumière de la Terre, pour une fable de science-fiction à tonalité écolo.» Mais qu’en pense la critique, outre les plus de 3700 commentaires publiés par le site AlloCine. fr?

Elle est divisée, et y voit généralement une supériorité de la forme, spectaculaire, sur le fond, assez indigent. Courrier international relève à ce propos que «sévère», le média américain Vice.com accueille la bande-annonce (ci-dessus) «avec une pointe d’ironie et surtout un grand malaise. Si en 2009 le mythe du «noble sauvage» passait encore, ce n’est plus le cas aujourd’hui», selon le magazine. «Le scénario semble être resté coincé en 2009», il semble avoir été imaginé «dans un autre monde – un monde où aucun des événements politiques ou culturels survenus depuis le premier Avatar ne se serait produit.» Ce qui ne l’empêche pas d’atteindre 83% au Tomatometer du site RottenTomatoes.com.

A l’époque aux Etats-Unis, dit-il, «nous venions tout juste d’élire un président noir, c’en était fini du racisme, et le message antiraciste du film» de James Cameron (ci-dessus), «bien intentionné mais problématique, apparaissait moins contestable qu’aujourd’hui. […] L’univers de Pandora semble si déconnecté que c’en est gênant. C’est simple, à voir les cheveux qui composent des dreadlocks de Na’vi», la critique a juste envie de crier: «Mais, enfin, on ne vous avait rien demandé!»

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Celui du site LeMatin.ch attendait cette sortie «l’œil frémissant et un filet de bave à la commissure des lèvres». Et comment le juge-t-il? «Au terme de plus de trois heures de projections, on ressort estomaqué de la séance 3D en Imax (on n’en espérait pas moins) et convaincu d’avoir visionné le meilleur blockbuster de ces dernières années. Quant au film à proprement parler, c’est plus compliqué…» Il lui «paraît être à la fois du James Cameron au sommet de son art mais aussi une synthèse de ses limites.»

Dans le détail, «le récit, le conte, la parabole écologique n’avance finalement que très peu dans cette suite. […] Bien sûr, Cameron […] trouve des parades, des rebondissements dans son action, il parvient toujours à surprendre in extremis. Et Avatar 2 finit par trouver sa voie. Mais en même temps, Cameron recycle parfois. Ici avec une pointe d’Abyss, là avec un soupçon de Titanic. Pour la première fois, on a eu l’impression que certains de ses suspenses étaient des reprises. L’originalité sacrifiée sur l’autel de l’efficacité.»

En résumé, donc, «si vous êtes fâchés avec Avatar premier du nom, disons parce que vous aviez trouvé l’histoire un peu cucul la praline, La voie de l’eau ne changera probablement pas votre opinion. En revanche, si l’efficacité et le classicisme de Cameron vous avaient séduits, aucun de nos griefs ne devrait vous dissuader. Car si certains aiment Cameron (son cinéma, bien sûr) malgré ses défauts, on l’aime pour notre part aussi pour eux. Un brin de masochisme, peut-être.» Réponse d’un internaute: pour lui, c’est…

… le métavers à côté de la tasse. Et en plus, ça mouille!

Aux yeux de la plus nuancée Liberté de Fribourg, le réalisateur «envoie du lourd, c’est le moins que l’on puisse écrire. Sur terre, en l’air, dans l’eau… Le film enchaîne des courses-poursuites et les morceaux de bravoure jusqu’à un final dantesque. Les cascades sont toujours limpides et livrent leur lot de sensations fortes. […] Cette suite est plus grande, plus rapide et meilleure encore que le film initial. On pourrait juste reprocher à James Cameron une tendance à se regarder filmer et à étirer ses plans pour profiter au maximum de ses décors luxuriants et de son bestiaire fascinant»…

… Mais c’est si beau

Et «qu’importe finalement la 3D ou la précision des textures (bien que bluffantes), Avatar 2 n’en oublie jamais sa mission première», lit-on sur le site EcranLarge.com, en conclusion d’une très longue et très fouillée analyse: «Faire oublier sa maestria technique au profit de l’immersion et de l’émotion dans cet autre univers qui complète le nôtre. Et la connexion avec son monde est telle qu’il est difficile de sortir de la salle de cinéma en un seul morceau.»

C’est que, selon Le Figaro, «de film en film, Cameron repousse les limites du gigantisme et de l’innovation technologique, renouvelant sans cesse l’invention des frères Lumière à la manière d’un Méliès des temps modernes […]. Avatar fait ainsi entrer la performance capture dans une autre dimension, anticipant au passage l’avènement des métavers.» Et dans ce monde parallèle, «Cameron ne se contente pas de diriger un zoo marin», cet «hydrophile replonge dans le bain et relègue Black Panther: Wakanda Forever au rang d’aquarium vaseux».

Plus généralement, «il continue d’emprunter à plusieurs genres et mythologies. Le western. La conquête de l’Ouest est ici remplacée par une planète à coloniser. […] Le film de guerre. Le spectre du Vietnam est déjà présent dans le premier Avatar, film de jungle montrant une armée d’occupation en territoire hostile.» Il «connaît aussi ses classiques en matière de littérature américaine. Il a lu Moby Dick, le roman d’Herman Melville. Il donne une version futuriste de la chasse à la baleine […]. Ces jouets fantastiques sont au service de séquences époustouflantes. Ils ne sont pas que ludiques. Ils visent à harponner le tulkun, une espèce de cachalot, chassé pour l’amrita, un fluide capable de stopper le vieillissement humain.» Quelle leçon à tirer? Que c’est peut-être là…

… le tour de force de Cameron, antispéciste lyrique

«Quand on veut comprendre le succès du premier Avatar», enchaîne dans la même logique Première, «on est obligé de chercher au-delà de la coïncidence. L’une des raisons de ce triomphe réside vraisemblablement dans la dimension mythologique du film. C’est parce qu’il puise dans tous les grands récits originels et les archétypes les plus anciens (de l’Odyssée à Pocahontas, en passant par la boîte de Pandore) que James Cameron a tapé dans l’inconscient collectif. En reprenant ces mythes si riches, dans un récit finalement très simple, il fait résonner son histoire avec une force et une évidence redoutables. Grâce à ces tissus narratifs qu’on connaît par cœur, de manière inconsciente, il inclut dans son film notre expérience intime, nos peurs, nos espoirs.»

Résultat, selon Le Journal de Montréal: c’est «magnifique», «visuellement époustouflant» ou «un spectacle à couper le souffle»… «La presse internationale n’a pas lésiné sur les superlatifs. Si l’on exclut quelques avis mitigés» – un euphémisme, tout de même, du quotidien québécois – […], la nouvelle offrande du cinéaste James Cameron a eu droit à un véritable concert d’éloges.» Quoi par exemple? Ceci: «Passer plus d’une décennie à se languir de Pandora en valait la peine: Cameron a livré le plus grand film depuis, eh bien, Avatar!» a écrit le New York Post mardi. Quant au Los Angeles Times, il parle d’un nouveau film «encore plus ambitieux que le premier» qui clouera le bec à tous les sceptiques»:

«Même son de cloche» du côté du magazine Rolling Stone, qui n’hésite pas à décrire Avatar: la Voie de l’eau comme «le voyage cinématographique le plus étonnant» de James Cameron à ce jour. Paris Match a lui aussi été soufflé: «A l’heure où l’expérience collective et sacrée de la salle de cinéma est battue en brèche par les plateformes de streaming et les nouveaux usages numériques, Avatar: la Voie de l’eau propose une immersion unique, [et] donne un sens cinématographique au mot émerveillement», y lit-on.

Le Nouvelliste n’est pas de cet avis, selon lequel «James Cameron reprend son histoire là où il l’avait laissée, qu’importent les années qui ont passé. L’écriture du scénario et des personnages est aussi caricaturale que dans le premier opus, le tout tournant vite à l’affrontement banal entre sagesse gnangnan et cupidité stéréotypée, avec quelques récits de filiation balisés en sus. Le message écolo en reste également au stade de l’esquisse et l’on est parfois plus angoissé par le développement des armes que fasciné par les créatures. Peu importe, car la véritable valeur de ce film en forme de Luna-Park réside dans l’univers qu’il propose en guise de spectacle»:

Sous l’eau, ce n’est pas plus profond, mais plus fluo

Dernière réticence, exprimée par LeMatin.ch toujours, «encore plus difficilement évitable celle-là. Avatar 2 sera suivi d’un Avatar 3 dont les prises de vues sont achevées». Puis d’un 4, puis d’un 5… Quoi qu’il advienne, ces suites devraient voir le jour. Elles sont non seulement mises en place mais aussi annoncées dans La voie de l’eau, «ce qui prive cet épisode d’être un objet fini, qui se suffit à lui-même, comme l’était le premier […]. C’est un peu un Star Wars: l’Empire contre-attaque dans une autre galaxie lointaine, très lointaine. Cela aurait pu être bien pire, cela dit.»


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