La Toile Francophone
La République centrafricaine n’en finit plus de plonger dans le chaos et dans l’indifférence générale. Enfin presque, la France, ancienne puissance coloniale, va lancer une opération militaire pour ramener l’ordre. Au grand soulagement des pays de la région

Et de trois, après les opérations militaires en Libye et au Mali, le gouvernement français a décidé d’envoyer des troupes en République Centrafricaine pour sécuriser «un Etat au bord du génocide», selon les termes de Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères. Des propos savamment pesés pour exprimer la volonté de l’ex-puissance coloniale d’agir sans attendre, relate Le Monde.
«Si la France se démêle comme un diable […] c’est parce que la psychose du génocide rwandais marque encore l’esprit», analyse l’hebdomadaire tchadien Alwihda . Une opinion partagée par le directeur de l’Iris, interrogé par affaires-stratégiques.info : «la France est un peu victime de son succès au Mali puisque finalement on lui réclame à nouveau d’agir dans l’urgence.» Un empressement toutefois freiné par la diplomatie onusienne.
Huit mois pour échafauder une «action rapide et décisive»
En effet, la France a dû convaincre, huit mois durant, les membres du Conseil de sécurité de l’ONU pour qu’ils s’accordent sur la nécessité d’une «action rapide et décisive», rappelle Le Monde . Huit mois de palabres pour constater un lourd bilan prévisible: 4,6 millions de personnes affectées par une crise humanitaire sans précédent, dont un million en situation d’insécurité alimentaire, 400 000 déplacés et 68 000 autres réfugiés dans les Etats voisins.
Une razzia à l’échelle d’un pays
La chronique de ce désastre annoncé débute fin mars 2013: les rebelles de la Séléka (l’alliance en langue sango) prennent Bangui, la capitale, et renverse le président Bozizé, lâché par la France. Depuis, la rébellion s’est disloquée en une multitude de chefs de guerre locaux, régnant sur un quartier, une rue ou un bout de campagne. Cette «coalition de soldats, souvent étrangers, se livre à une gigantesque razzia à l’échelle d’un pays», explique Le Figaro . Viols, massacres, saccages, pillages sont désormais quotidiens.
Le président par intérim, Michel Djotodia, est l’ancien chef de la rébellion. Un président fantoche qui ne contrôle que Bangui; ailleurs, la haine et le brigandage règnent en maître. «Les anciens rebelles, musulmans en majorité, n’ont plus de limites», rapporte Le Nouvel Observateur . Une situation qui risque de se finir en guerre religieuse. Les persécutés, eux, n’hésitent pas à s’en prendre à la population musulmane après le départ des ex-rebelles.
«Les mini-pogroms se banalisent, et à vouloir coûte que coûte attendre le déploiement des soldats onusiens, on court le risque de voir l’irréparable se produire. C’est pourquoi, estime le média burkinabais L’Observateur Paalga cité par RFI, la mise en place d’une troupe tampon entre les belligérants serait la solution médiane en attendant l’ONU.» Un déploiement commenté de manière sarcastique par La Nouvelle Centrafrique: «il semblerait que ’la mère patrie’(la France NDLR) ait enfin terminé de brasser de l’air. Son ancienne colonie qu’elle a progressivement, au fil du temps, complètement oubliée et abandonnée lui revient soudainement en mémoire.»
Les chancelleries africaines décriées
Mais les pays voisins ne sont pas mieux lotis dans les colonnes de la presse régionale africaine. Pour le quotidien burkinabais «Le Pays», «tout cela se passe dans la quasi-indifférence de la sous-région et de l’Union africaine (UA). Une fois de plus, c’est la France que l’on a de cesse d’ailleurs de clouer au pilori, qui montre la voie à suivre aux dirigeants africains.»
Prochaine étape, le 4 décembre, probable adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU d’une nouvelle résolution dotant la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) et les troupes françaises d’un mandat robuste, sous chapitre 7 de la charte de l’ONU, qui autorise l’emploi de la force, explique jeuneafrique.com Puis le 7 décembre à Paris où se tiendra un mini-sommet sur la coordination de l’action militaire.
La France, gendarme d’un Etat fantôme
D’ici l’intervention des troupes Onusiennes et de l’Union africaine, les militaires français entameront une intervention «en mode coup-de-poing», dit-on au ministère français de la Défense, relate Le Figaro . La France renforce, malgré elle, sa présence sur le continent noir. Une position qui n’est pas facilitée par la disparition de «la cellule Afrique de l’Elysée». Et ce, alors que depuis l’indépendance de la République centrafricaine en 1960, l’ex-puissance coloniale faisait et défesait les hommes forts. Jusqu’en mars dernier, où «le président «normal» (François Hollande, NDLR) entend construire une relation normale avec la seule région du monde où la France maintienne une influence démesurée par rapport à sa puissance réelle», indique Le Monde. Finalement, il n’est pas certain que les dirigeants africains se réjouissent de la disparition de ce «lien privilégié» si souvent décrié. Et Le Monde de conclure: qui mieux que la France pour jouer les pompiers en République centrafricaine?
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