Présent à la foire des importations chinoises à Shanghai, le président français, Emmanuel Macron, a appelé mardi la Chine à ouvrir davantage son immense marché aux entreprises étrangères et à coopérer avec l’Europe pour lutter contre les tentations unilatérales, sur fond de tensions commerciales croissantes. Mais aussi – et c’est là encore plus intéressant – sur fond de crise climatique. Soit, dit-il, sur «l’importance d’obtenir en 2020 de nouveaux engagements pour atteindre les objectifs de baisse de la pollution», rapporte le HuffingtonPost.fr.

«La coïncidence est parfaite»: alors que la veille, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo annonce dans un tweet la demande officielle de retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, l’Elysée s’en fait «le champion» en Chine «face à un parterre de responsables politiques et de chefs d’entreprise du monde entier, […] à l’heure du retrait du plus grand pollueur de la planète». Qui, on le sait, a provoqué un tollé, quasi unanimement critiqué qu’il est par les principaux dirigeants du monde, les grands acteurs industriels américains, la presse internationale et diverses personnalités du monde de la culture et des lobbys environnementaux.

Prononcé aux côtés du président Xi Jinping, «le plaidoyer en faveur du texte signé le 12 décembre 2015 prend un sens tout particulier: la Chine, si elle s’est hissée parmi les plus grands émetteurs mondiaux de CO2, est un bon élève de l’Accord de Paris. Sur ce sujet, Emmanuel Macron joue donc «à domicile». […] Encore une fois, la politique de Donald Trump se retrouve au banc des accusés, sans que son nom ait été prononcé une seule fois», le président français ayant habilement pris «soin de ne pas choisir ouvertement un camp» ou l’autre.

Qu’est-ce que ça change?

De toute manière, malgré toutes les gesticulations diplomatiques à droite et à gauche et les petits jeux de pouvoir globaux, le retrait des Américains «n’y changera pas grand-chose»: «Les engagements chiffrés des pays signataires de l’Accord de Paris ne permettaient déjà pas d’inverser les émissions de gaz à effet de serre», selon une étude publiée mardi. Ils ne «sont pas suffisants pour atteindre les objectifs, et certains de ces engagements ne seront même pas tenus», résume pour l’Agence France-Presse Robert Watson, ancien patron du GIEC et premier signataire de cette étude.

En attendant, l’officialisation trumpienne «fait réagir les démocrates américains qui signent des tribunes dans plusieurs journaux», décortiquées par Courrier international. «Pour expliquer» avec optimisme «que tout n’est pas perdu», celle de l’ancien secrétaire d’Etat américain John Kerry et de l’ex-ministre de la Défense Chuck Hagel dans le Washington Post n’y va «pas par quatre chemins»: elle décrit le retrait comme une «catastrophe».

Et les emplois «verts»?

«Ce n’est pas l’Amérique d’abord, disent-ils, c’est une fois de plus l’Amérique isolée», estiment les deux démocrates, qui soulignent que les Etats-Unis se retirent ainsi d’un accord que «tous les autres pays du monde ont signé». Ce qui n’est d’ailleurs que partiellement vrai, puisque la Syrie, le Nicaragua et le Vatican ne l’ont pas encore fait et que d’autres pays l’ont certes signé mais pas encore ratifié, comme la Turquie ou l’Indonésie.

Autre crainte des adversaires de la Maison-Blanche, dont les plus radicaux d’entre eux sont convaincus qu’il faut poursuivre sur la voie de l’impeachment: «Les autres puissances mondiales vont bénéficier économiquement du retrait américain», préviennent-ils, notamment du boom des emplois verts et des énergies renouvelables. Mais il y a tout de même cette «lueur d’espoir» qui fait que «pour des questions procédurales, les Etats-Unis ne sortiront pas officiellement de l’Accord de Paris avant le 4 novembre 2020», soit au lendemain de l’élection présidentielle.

Après Trump, s’il y a un «après»

En cas de défaite de Donald Trump, Washington pourrait donc décider d’y revenir «à n’importe quel moment», soit dès qu’il y aura «un dirigeant volontaire pour le faire» à la Maison-Blanche. Car «viendra peut-être un jour où Trump, sa clique et les gens comme lui seront considérés comme des criminels contre l’humanité, accuse Sud Ouest. Ces morts, ces déplacés, ces miséreux qui se multiplieront par milliers parce que l’on n’aura rien fait contre le réchauffement climatique, l’actuel locataire de la Maison-Blanche en portera une large responsabilité»…

… Sans compter les centaines de milliards de dollars de pertes économiques. Cette économie que Trump met toujours en avant pour justifier sa décision inique de quitter l’Accord

Dans les colonnes du Guardian, c’est une autre politicienne, la sénatrice du Massachusetts et candidate à l’investiture démocrate Elizabeth Warren, qui prend la plume à ce sujet. Si elle estime que Donald Trump s’inscrit «dans la même lignée que son détricotage des lois de protection de l’environnement aux Etats-Unis», elle souligne elle aussi qu’il tourne ainsi le dos «à la plus grande opportunité économique de notre temps».

Verte Elizabeth

Son plan à elle, c’est le Green Manufacturing Plan. Elle veut «une industrie verte» censée «doper le développement des énergies propres» en territoire américain, «grâce à un investissement de 2000 milliards de dollars visant à généraliser ces énergies» et à créer «des millions d’emplois syndiqués et bien payés». Ce à quoi elle ajoute un «plan Marshall vert», destiné à encourager directement «les pays étrangers à acheter des produits fabriqués aux Etats-Unis grâce à des énergies renouvelables, ce qui renforcera le développement d’une industrie écologique». Ajoutant, en bonne connaisseuse des campagnes électorales – notons son usage du féminin:

La prochaine présidente américaine devra réintégrer l’Accord de Paris, mais cela ne suffira pas. Elle devra aussi montrer au monde entier que les Etats-Unis sont prêts à reprendre les rênes sur la scène internationale. J’ai un plan pour ça

Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il existe un plan plus général: que l’honorable futur(e) président(e) sorte des badinages et de l’autosatisfaction permanente qui règne actuellement à la Maison-Blanche. Bref, de tout ce qui agace prodigieusement les médias, à commencer par la pertinence des choix politiques sur ces «petits degrés Celsius qui montent et qui descendent», what a joke!


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