Les dirigeants des pays riches du Groupe des Sept (G7)* arrivent à partir de ce jeudi au Canada pour un sommet annuel exceptionnellement tendu, en raison des taxes douanières imposées récemment à ses alliés par Donald Trump, resté sourd aux protestations. Après des mois de vaines rencontres bilatérales, le président américain se confrontera vendredi et samedi à La Malbaie près de Charlevoix, au Québec, aux dirigeants du Canada, de quatre pays européens (France, Allemagne, Royaume-Uni et Italie) ainsi que du Japon, des pays amis qui craignent que la politique de «l’Amérique d’abord» ne se révèle coûteuse pour la croissance mondiale:

Et d’emblée, ça «grenouille» un peu sur place, puisque les dirigeants français et canadien, Emmanuel Macron et Justin Trudeau, ont convenu mercredi déjà qu’ils n’étaient «pas prêts à tout accepter pour avoir un communiqué commun» avec les Etats-Unis. Ils envisagent «des scénarios alternatifs», type «G6 + 1». Arrivé à Ottawa dans l’après-midi, le président français a retrouvé le chef du gouvernement canadien – comme lui chantre du libre-échange – pour «aligner» leurs positions face à la Maison-Blanche, précise Le Monde. L’Elysée a évoqué un sommet «qui intervient à un moment critique».

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De son côté, la chancelière allemande, Angela Merkel, a prévenu qu’elle s’attendait à «des controverses» dans le contexte des nombreux différends entre Washington et ses partenaires, notamment sur «le commerce international, la protection du climat et les politiques de développement et étrangère». Ces mésententes sont particulièrement flagrantes sur l’accord sur le nucléaire iranien, que le président américain Donald Trump a récemment quitté unilatéralement, ou encore sur sa décision d’imposer de lourdes taxes sur les importations d’aluminium et d’acier à tous les membres du G7, pourtant alliés.

Le problème Giuseppe Conte

Berlin profitera aussi de ce sommet pour tenir des entretiens bilatéraux avec le nouveau chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, avec qui la relation s’annonce compliquée. Quoi qu’il en soit, pour la chancelière, il est également possible qu’il n’y ait pas de communiqué final samedi, comme ce fut le cas lors du G7 de Taormina en mai 2017, où les Etats-Unis avaient refusé de signer la déclaration finale, pour cause de retrait de l’Accord de Paris sur le climat. Mais «côté francophone», Libération doute aussi un peu d’un front commun: même Emmanuel Macron et Justin Trudeau, «jeunes dirigeants dépeints un peu vite en jumeaux libéraux, laissent désormais voir des différences dans l’exercice du pouvoir». Quoique «la posture monarchique» du premier et «l’inaltérable décontraction» du second n’empêchent point la cordialité:

«Jusque-là, Justin Trudeau semblait plutôt privilégier les «opérations de charme» vis-à-vis de son voisin américain, indique pour sa part Radio France internationale, pour laquelle l’hôte du G7 se profile en «leader des anti-Trump». «Tout sourire, malgré leurs différends notoires», après avoir joué «les bons amis» avec le président américain, «il avait même déclaré publiquement qu’il lui faisait confiance, car celui-ci lui avait «promis» de ne pas lancer une guerre commerciale à l’encontre du Canada. Alors quand, le 31 mai, Donald Trump a annoncé que d’importants tarifs douaniers allaient désormais s’appliquer pour l’UE, le Mexique et le Canada, le ton du premier ministre canadien a brutalement changé.»

Un échec programmé

Voilà pour les obstacles à une avancée des dossiers. D’ailleurs, une «lettre collective» du Groupe de réflexion sur le développement international et la coopération (Gredic) publiée par Le Devoir de Montréal tente d’expliquer pourquoi «le sommet du G7 de Charlevoix est déjà un échec» ou un sommet «sans conquêtes». Regrettant que l’Afrique ne soit discutée qu’«à la marge», ce lobby connaît bien «les thèmes que le Canada a mis en avant»: «croissance économique pour tous et réduction des inégalités et de la pauvreté; emplois de l’avenir; égalité des sexes et autonomisation des femmes; changements climatiques, protection des océans et production d’énergie propre; un monde plus pacifique et plus sécuritaire.»

Or «tous ces thèmes représentent des défis», en particulier pour l’Afrique, juge le Gredic, en déplorant le fait que le Canada n’ait pas pris «une initiative forte pour aider les populations de ce continent trop souvent oublié à faire face aux défis immenses auxquels elles sont confrontées».

Si «le pugilat est surtout garanti […] dans le palace qui recevra un caucus occidental en crise», pense aussi Le Courrier, «le tableau devrait radicalement changer jeudi, lorsque l’Assemblée nationale et les services de l’Etat mettront la clé sous la porte à l’arrivée des «hordes contestataires», aussi qualifiées de «purin», de «casseurs subventionnés» préparant une «rave lacrymogène» ou juste de «marde» par la chronique locale».

Trudeau en perte de vitesse

«Militants de gauche et tribuns populistes se rejoignent sur une même interrogation», estime le quotidien genevois: «La réunion du G7 valait-elle ce ramdam? Le sommet ne débouchera sur rien, les désaccords sont trop profonds», présage le sociologue altermondialiste français Christophe Aguiton. En plus, «c’est un Justin Trudeau en perte de vitesse qui recevra ses homologues […]. Deux ans et demi après son élection surprise, le leader du Parti libéral du Canada peine à maintenir cette image de jeune dirigeant moderne et ambitieux qu’il avait bâtie par ses talents d’orateur et de communiquant.»

Robert Kennedy à la rescousse

Dans cette avalanche de mauvais présages, un blogueur du Journal de Montréal a alors eu «cinq idées pour les dirigeants du G7»: «ramener le pouvoir des démocraties en faisant sauter la surprotection des investisseurs des traités de libre-échange; taxer les transactions financières; interdire les produits financiers les plus toxiques; taxer les produits en fonction de leur coût social et environnemental» et, surtout, «penser un nouvel appareil statistique pour évaluer la richesse réelle». Et de rappeler que «dans un important discours en 1968, Robert Kennedy, assassiné il y a exactement 50 ans […], avait hautement contesté le PIB comme manière d’évaluer la richesse. Le PIB, disait-il, calcule tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue»…


* Les membres du G7

Le Groupe des Sept (G7) est un groupe représentant sept économies du monde développé. Il comprend le Canada, la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon et l’Italie. Ses représentants à Charlevoix sont:

  • Justin Trudeau, premier ministre du Canada
  • Donald Trump, président des Etats-Unis
  • Emmanuel Macron, président de la République française
  • Theresa May, première ministre du Royaume-Uni
  • Angela Merkel, chancelière d’Allemagne
  • Shinzo Abe, premier ministre du Japon
  • Giuseppe Conte, premier ministre de la République italienne

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