Revue de presse
Une campagne de pub de Ferrero met le feu aux poudres outre-Rhin. Pegida s’insurge contre des images de sportifs qui n’ont pas le look assez allemand sur des bâtonnets de chocolat mettant en scène les joueurs de la Mannschaft pour l’Eurofoot 2016

En Allemagne, cela n’a pas du tout plu aux «Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident» regroupés sous l'acronyme Pegida. La marque de chocolat Kinder a en effet décidé, «en vue de l’Euro de football, d’utiliser des photos d’enfance des joueurs de la Mannschaft en lieu et place de l’enfant blond qui la représente habituellement», lit-on sur le site de BFMTV. «L’équipe nationale allemande étant composée de joueurs de toutes origines», cette diversité s’affiche donc également sur les bâtonnets. On appelle cela du marketing. D’abord tombés dans le panneau, plusieurs membres de Pegida s’en sont offusqués sur la page Facebook de Kinder Schokolade, comme le rapporte le Spiegel.
Mais que s’est-il passé exactement? Sur Facebook, Pegida Bade-Würtemberg-Bodensee a d’abord publié une photo de ces nouveaux emballages en commentant la présence de ces enfants qu’ils ne jugeaient «pas assez allemands»: «Ils ne reculent devant rien. Ils sont vraiment en vente, ou c’est une blague?» se demande le mouvement d’extrême droite, accompagnant son message d’une émoticône horrifiée:
En réalité, «ce que Pegida ne semble pas remarquer, c’est que les deux petits garçons n’ont pas été choisis au hasard». Car il s’agit bien de «photos d’enfance de deux joueurs qui appartiennent tous les deux à l’équipe nationale allemande de football qui disputera l’Euro en France à partir du 10 juin»: Ilkay Gündogan et Jérôme Boateng, respectivement d’origine turque et ghanéenne. Une fois tombés dans le piège, le pire est que «les militants n’en démordent pas»: «Est-ce qu’on peut vraiment appeler ça la Mannschaft?» demande l’un d’eux, aussitôt rejoint par un de ses camarades qui écrit: «Ce sont des mercenaires, et donc des esclaves, qui ne jouent pas pour l’Allemagne par conviction, mais seulement pour l’argent.»
Après ce déversement de «fiel sur la Mannschaft», d’autres internautes ont répondu, explique 20 minutes: «Fermez les frontières et vous obtiendrez la crise, le chômage et une équipe de foot de bas niveau.» Embarrassée par l’affaire, la marque Ferrero, qui produit lesdits chocolats, n’a rien renié de sa campagne: «Nous nous désolidarisons de toute réaction raciste ou xénophobe», dit-elle. Plus tard, Pegida s’est vaguement excusé et a finalement retiré son malheureux post.
Mais la polémique ne s’arrête pas là. Sputnik France explique qu'«une campagne de solidarité avec Ferrero a été lancée sur Internet. Les utilisateurs publient leurs photos d’enfants sous le hashtag #cutesolidarity.» Une campagne lancée par le journaliste Mohamed Amjahid, de Zeit Magazin, précise le Blick:
Wir sind so süß und fabelhaft und so deutsch! Yalla macht mit bei #cutesolidarity und postet eure Kinderbilder gegen #Pegida
— Mohamed Amjahid (@mamjahid) 25 mai 2016
Solidaire aussi, le président de la Fédération allemande de football, Reinhard Grindel, précise L’Express, souligne «que la sélection allemande est «un des meilleurs exemples d’une intégration réussie. Des millions d’Allemands sont fiers de cette équipe, parce qu’elle est comme elle est. […] Ce qui compte, c’est la performance.» Alors, comme cela est devenu inévitable en pareil cas sur Twitter, «la campagne raciste» contre ces «gueules de futurs terroristes» a rapidement donné lieu à des détournements moqueurs. Même l’Eglise catholique d’Allemagne a réagi, avec humour:
Du coup sur Twitter, quelques tweets se moquent de #Pegida avec des détournements. #Kinderschokolade pic.twitter.com/htWlwhn1ai
— Eric Ratiarison (@EricRatiarison) 25 mai 2016
#Kinderschokolade Pegida-Edition pic.twitter.com/Iov7W1IAL4
— Sahrer (@SahrerVonSahr) 25 mai 2016
Ich will die #Pegida Gesichter auf #Toilettenpapierverpackungen sehen! #Kinderschockolade
— FazeLiX (@Bruce_Bane7) 25 mai 2016
L’histoire a évidemment fait le tour du monde sur le Web, dans toutes les langues. Suscitant railleries et indignation. Le Stern en conclut que selon Pegida, un enfant allemand au look correct doit avoir «les cheveux blonds, les yeux bleus et la peau claire». Etre de «race aryenne», quoi, comme disait Adolf Hitler.
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